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27 May 2007

Citoyens du monde

 

A propos de la Serbie… et de tous les pays du monde !

 

La dernière carte publiée sur le blog (« La répartition ethnique des Albanais ») vient de susciter un commentaire intéressant dont voici le contenu :

 

« Faux: les kosovars sont serbes. Il y a eu une immigration massive d'albanais, ainsi qu'une natalité très importante chez ces immigrés.
Le guerre du Kosovo, le terrorisme de l'UCK, soutenu par l'Union Européenne ont fait fuir les populations serbes de leur territoire. C'est au Kosovo qu'est situé le lieu de la bataille du Chant des merles, haut fait militaire serbe.

Le Kosovo est serbe et doit le rester!
 »

 

Je voudrais vous faire part à présent de ce que l’on trouve sur la page « Serbie » de Wikipedia dans les toutes premières lignes de l’article :

« Arrivés dans les Balkans dès la fin du Ve siècle,(c’est moi qui souligne) en provenance de diverses régions des actuelles Pologne, Russie et Ukraine, les Slaves se partagèrent les restes des Empires romains d'Orient et d'Occident : les provinces de Dalmatie, Pannonie, Mésie et Thrace.

Les Slaves migrèrent en masse dans les Balkans jusqu'en Grèce, où ils furent présents jusqu'au XIIe siècle. Les toponymes balkaniques traduisent cette présence générale des Balkans par les Slaves, puisqu'on en trouve aussi en Roumanie, en Albanie et en Grèce.

Les Serbes furent, avec les Croates, parmi les dernières tribus slaves à s'installer dans la péninsule balkanique, à l'invitation de l'empereur byzantin Héraclius, en lutte avec les Avars. Un Royaume serbe est fondé au IXe siècle mais se disloque dès la fin du XIIe siècle. »

 

Donc si j’adopte la logique du commentaire relaté plus haut, j’en déduis que les habitants actuels de la Serbie ne sont pas Serbes car le territoire actuel n’était pas peuplé de Serbes avant le Vè siècle !

Et que dire de la Voïvodine (province autonome de la Serbie actuelle qui compte plus de 25 groupes ethniques différents et six langues officielles) qui ne fût pas de tout temps serbe ?

Et que dire également de l’Albanie, de l’Ancienne République Yougoslave de Macédoine (Macédoine actuelle) et de tout le nord de la Grèce qui, vers 1350, se trouvaient sous la domination de l’Empire serbe ? Ces derniers sont-ils Serbes ou pas ? 

 

Une certaine idée de l’Homme
 

Avec une telle logique, on comprendra que personne n’arrive à se mettre d’accord car, un jour passé, il y a toujours eu une réalité qui peut venir contredire celle du présent. N’oublions pas qu’une très grande majorité de conflits dans l’histoire et encore dans le monde actuel naissent de cette vision de l’identité et de la possession territoriale terrestre qui lui est accolée. Une vision qui est le fruit, comme toute les identités, d’une construction. Mais une construction qui n’est jamais achevée, ni jamais fixée une fois pour toute. Cette construction de l’identité peut prendre un nouveau chemin et notamment s’insérer dans celui de la DEMOCRATIE et des DROITS DE L’HOMME.

 

Dans une démocratie, on s’adresse à une population de CITOYENS avant de s’adresser à des Français, Slovaques, protestants, musulmans, végétariens, violoniste, rappeurs, fan de Chantal Goya ou encore de Zidane, etc. Et c’est justement ce principe qui rend la démocratie universelle. Dire qu’elle est le meilleur des systèmes est faux ! Dire qu’elle représente le moins pire, comme le disait Churchill est faux également. Tenir de tels propos ne peut qu’affaiblir la démocratie. Ce qu’il faut dire c’est que cette dernière représente avant toutes choses UN CHOIX ! Le choix d’UNE CERTAINE IDÉE DE L’HOMME et UN CHOIX DE SOCIÉTÉ, UN CHOIX DE VIVRE ENSEMBLE !

L’auteur de ce blog ainsi que Yves, mon partenaire de voyage, ne cherchons pas à trouver la vérité ou à faire la promotion du meilleur des systèmes politiques. Nous ne faisons que promouvoir les idées et les valeurs précédemment citées. Ces idées et ces valeurs sont défendues au sein de la démocratie et par le respect des Droits de l’Homme (reste que, bien sûr, la démocratie ne suffit pas, elle n’est qu’un préalable. Idem des Droits de l’homme qui, comme la démocratie, sont avant tout une culture à acquérir, qu’un système politique et institutionnel à mettre en place… large débat).

Une petite histoire de l’humanité
 

De par ma formation d’historien j’ai tendance à voir les choses humaines dans le long terme et ce qui me parle avant tout c’est la très longue ancienneté de l’humanité. L’Homo sapiens a un âge d'environ 200 000 ans et je ne pense pas qu’on puisse sérieusement se demander si ce dernier était chinois, finlandais, boliviens ou nigérien ! L’histoire de l’Homme est longue et celle des nations est bien courte. Cette dernière n’a que plus de 200 ans, soit 1000 fois plus jeune que celle de notre ancêtre Homo sapiens. Rien ne dit que cette construction humaine, cette idée, cette organisation sociétale ne survive jusqu’à la fin des temps ! Ernest Renan lui-même, référence incontournable de la théorie nationale en France, est l’un des premiers à avoir dit que les nations n’étaient pas éternelles et qu’elles seraient probablement remplacées un jour par l’Europe !

Et puis l’Homme, comparé à la Terre et à l’Univers, qu’est-il vraiment ? Je vous fais part d’un calcul intéressant. Imaginons qu’il se soit écoulé un an depuis la création de notre planète Terre. Cette dernière serait donc née le premier janvier. La vie sur terre est alors apparue en novembre. La période des dinosaures a débuté le 12 décembre pour se terminer le 25 du même mois (soit 165 millions d’années) et, enfin, l’Homme est apparu le 31 décembre, un peu après 20 heures…

De ce point de vue il peut paraître encore étrange de considérer quelques centenaires comme l’éternité ou encore de penser qu’un quelconque groupe humain peut avoir plus de droits qu’un autre sur une terre parce qu’il y a résidé (de son point de vue, bien sûr) pendant X années ou centenaires, voir même millénaires.

La construction européenne, conséquence de l’idée démocratique et des Droits de l’homme.
 

Alors si, comme moi, vous êtes avant tout attaché à une certaine idée de l’Homme, à une certaine idée du vivre ensemble, des idées défendues par la démocratie et les Droits de l’Homme, il y a de grandes chances que vous soyez attaché à la construction européenne (je n’ai pas dit ici que tout ce que faisait l’Union européenne était génial ! C’est une construction à mon sens tout à fait inachevée et qui se trouve dans un bien mauvais état justement à cause de son inachèvement qui ne lui permet pas d’avoir les moyens de ses ambitions). La démocratie ne nie pas les identités particulières, au contraire, elle permet à chacune d’entres elles de s’épanouir au contact des autres et donc de la différence. La Lorraine ne va pas demander, demain, à quitter la France si cette dernière à des problèmes ou éprouvent des difficultés. Pourquoi faudrait-il quitter l’Union européenne ou, de manière plus large, le monde, en invoquant la « non-réalité » ou la « non-crédibilité » de ces derniers ? Ce n’est pas en se réfugiant derrière des murs ou dans son « ethnie » qu’on réussit à régler des problèmes qui sont d’une toute autre ampleur.

Personnellement, avant de voir des Danois, des Libyens, des Panaméens ou encore des Indonésiens, je vois avant tout des Etres humains. Certes ceux-ci sont tous différents et tant mieux. Cela n’enlève rien au fait que nous ne pouvons faire autrement que de vivre ensemble sur notre petite planète et qu’il faut bien trouver un moyen de régler nos différends et les problèmes que nous avons tous à affronter. On peut choisir de régler nos différends de manière guerrière ou pacifique. Je choisis la voie pacifique ! On peut choisir de régler nos problèmes chacun dans son coin ou essayer de les régler tous ensemble. Je choisis d’essayer ensemble par soucis d’efficacité ! Ces deux choix sont toujours les plus difficiles. Ils demandent de la patience, de l’humilité et le fait d’accepter que l’on n’ait pas toujours raison… défi hautement difficile pour les Etres humains qui sont le plus souvent pétris d’une fierté et d’une mauvaise foi à toute épreuve.

 

Faire face aux défis de l’avenir
 

Aujourd’hui, il est bien inutile de préciser que les défis auxquelles doit faire face l’humanité sont immenses, que chacun de nous est concerné et qu’aucun pays sur cette planète ne peut prétendre les régler seul dans son coin.

Ce qui nous attend est un « virage global » [1], un changement d’échelle, un challenge très largement conceptualisé dans une foule impressionnante de livres, rapports, études et revues en tout genre.

Pour faire face au siècle à venir, il va falloir faire des choix et on peut se demander si l’humanité choisira le plus difficile, celui de la démocratie, des Droits de l’homme et de la paix, soit la facilité, et donc le replis sur soi, l’égoïsme et le chaos.

 

Ce que défend la construction européenne c’est une certaine idée de l’Homme et de l’humanité, du vivre ensemble et de la gestion des problèmes auxquelles nous avons à faire face. Cette idée de l’homme ne peut être défendue par la seule Union européenne. C’est la raison pour laquelle cette dernière ne peut être qu’un membre d’une communauté plus large de protagonistes qui participent tous, à l’échelle mondiale, à la gestion démocratique des affaires du monde.

 

C’est l’idée que défend le fédéralisme, un monde géré de manière démocratique et qui permette la fin de la guerre de tous contre tous, qu’il s’agisse des individus comme des nations. Substituer à la gestion violente des conflits une gestion démocratique de ceux-ci.

C’est l’idée que défend le projet de la construction européenne. La question n’est pas de savoir si cela est possible ou pas, mais plutôt de savoir si l’on tient à s’engager pour ce projet. Car c’est un projet, une volonté, et voilà pourquoi elle est la voie la plus difficile. C’est une voie qui n’est pas naturelle à l’Homme, tout comme la démocratie et les Droits de l’Homme. Se replier sur soi ou sur son ethnie est un renoncement, UN CHOIX ! Militer pour la démocratie et une idée de l’homme n’est pas s’engager pour la vérité ou pour le bien, c’est s’engager sur une voie, c’est CHOISIR une certaine idée de l’homme.

L’action de chacun d’entre nous est importante mais beaucoup se demandent comment agir ?

 

Citoyens du monde
 

Il y a des gestes simples, qui donnent l’exemple et font avancer les choses dans la direction que nous choisissons.

Une idée ? Et si vous deveniez, demain, Citoyen du monde ? Non, ce n’est pas une blague ! Vous pouvez recevoir votre carte d’identité de Citoyen du monde. Il suffit d’en faire la demande. J’ai moi-même ma carte depuis presque deux ans :-)

Voici le site Internet : http://citmonde.free.fr/

 

Je termine par deux petites citations bien connues mais toujours aussi efficaces du très illustre Victor Hugo :

 

« Il vient une heure où protester ne suffit plus : après la philosophie, il faut l’action. »

« La première phase du possible, c’est d’être impossible. »

 

Et pour éviter de me faire taxer de franco-français, j’ajoute quelques citations du sublime poète et écrivains argentin Jorge Luis Borges :

 

- « L’idée de frontières et de nations me paraît absurde. »

- « La seule chose qui peut nous sauver est d’être des citoyens du monde. »

- « Regarde bien les drapeaux, les douanes, les militaires, les curés, car tout cela va disparaître et tu pourras raconter à tes enfants que tu l’as vu. »

Bien à vous,

Michel

 

[1] Ervin Laszlo, "Virage global: l'effonfrement de notre monde est-il inévitable?", les éditions de l'Homme, 2002. 

11:50 Posted in ANALYSES | Permalink | Comments (0)

18 November 2006

Commentaire analyse Serbie

Louise Lambrichs

 

 Romancière française

 

 

Je publie ci-contre le commentaire qu'a suscité à Madame Lambrichs la lecture de l'article d'analyse sur la Serbie. 

Sans pour autant connaître l'auteur, ni le contenu précis de ses ouvrages, Madame Lambrichs semble être un auteur reconnu pour la qualité de son travail. 

 Voici donc son commentaire accompagné des références de son ouvrage "Nous ne verrons jamais Vukovar" dont vous pouvez trouver facilement un résumé sur Internet (ex: http://www.bibliomonde.com) et dont l'intérêt semble être à la hauteur du défi que représente la transition démographique dans cette région des Balkans.

 

Michel 

 

 

"J'ai lu votre article sur la Serbie, dont j'ai bien aimé le ton. J'ai
apprécié aussi les questions que vous soulevez, et qui me paraissent
capitales, à savoir ce qu'apprennent les Serbes à l'école, et cette
victimisation permanente (qui remonte notamment au lendemain de la
Deuxième Guerre mondiale, voir Serbia's Secret War, de Philip J. Cohen).
De mon côté, j'ai écrit un livre intitulé Nous ne verrons jamais Vukovar,
et qui éclaire - me semble-t-il - l'ensemble de la guerre et sa logique
générale.
Le problème des nationalistes serbes est qu'ils sont négationnistes de
leur propre histoire (ce que montrent les documents que j'ai publiés,
issus des archives de Belgrade). D'où cette "répétition déplacée" que
constitue cette guerre-ci, par rapport à la Deuxième Guerre mondiale.
Si vous interrogez des habitants de Croatie, de Bosnie et de Serbie,
beaucoup vous diront que cette guerre est une "répétition". Le problème,
c'est qu'ils ne savent pas pourquoi...
Je suis en train d'écrire la suite, pour montrer le type de travail de
mémoire qu'il faudrait engager dès maintenant, avec la jeune génération.
Cela dit, comme je critique fortement la politique de Mitterrand et de
Kouchner au départ (au moment de la guerre de Croatie), j'ai quelques
difficultés à me faire entendre.
C'est d'autant plus regrettable, à mes yeux, que ce silence compromet
l'avenir. Il est impossible pour les jeunes générations de se réconcilier
si l'on ne remet pas l'histoire en place. Mais les néo-négationnistes sont
très nombreux, malheureusement. Et de plus en plus, avec l'islamophobie
galopante...
Le mythe majeur à critiquer, en Serbie, est l'idée (répandue par
Draskovic, notamment) que les Serbes ont subi un génocide "comme les
Juifs". C'est la doxa actuelle, et depuis longtemps. Or, les Serbes ont
aussi bien exterminé les Juifs que l'ont fait les Croates. La tradition
antisémite serbe était très profonde, avant la Deuxième Guerre mondiale.
Les documents que j'ai publiés le montrent. Les jeunes Serbes devraient
travailler sur cette question. C'est de cette façon, me semble-t-il,
qu'ils pourront démasquer les nationalistes et s'orienter vers une vraie
démocratie...

Cordialement,

Louise L. Lambrichs
"

 

Louise L. Lambrichs

Nous ne verrons jamais Vukovar

Editions Philippe Rey , 2005.

 

20:30 Posted in ANALYSES | Permalink | Comments (0)

04 August 2006

Analyse Serbie

SERBIE

 

Pour la Serbie (encore Serbie-Monténégro lorsque nous y avons séjourné) nous souffrons du même handicap que la Slovénie. Nous n’y sommes restés que 10 jours et, à l’exception d’une petite excursion de deux jours en Voïvodine, notamment dans les villes de Novi sad et Sremski Karlovci, notre expérience se limite à Belgrade. De plus, nous n’avons réussi à organiser aucune intervention, ce qui nous a permis tout de même de souffler après l’intensité de notre expérience en Bosnie-Herzégovine.

 

Nous avons donc logé 10 jours dans l’appartement de trois jeunes étudiants, pourtant déjà eux-mêmes à l’étroit, mais qui ont su nous accueillir avec une hospitalité irréprochable. Nous apprendrons beaucoup au cours de nombreuses discussions, notamment avec Igor, lui-même membre des Jeunes européens fédéralistes de Serbie. Ce dernier prendra beaucoup de plaisir à nous éclairer sur la question du Monténégro, qui allait bientôt se prononcer par référendum sur son indépendance, sur le Kosovo, qui, plus que son indépendance, veut avant tout se détacher de la Serbie et, enfin, sur l’histoire tourmentée de son pays natal.  

 

    Serbie, Monténégro, Kosovo... 

Au sujet du Kosovo, d’après Igor, « aucun politicien serbe ne peut ouvertement se prononcer pour l’indépendance de cette province encore sous administration de l’ONU, car cette dernière reste, historiquement, le « berceau » de l’état serbe ». Mais, poursuit-il, « il ne fait aucun doute que la Serbie ne pourra sérieusement s’occuper de ses propres problèmes qu’une fois débarrassée de la question Monténégrine et surtout kosovar ». Et de conclure que, « tout le monde en est bien conscient ! »

 

Or si l’on regarde une carte géographique des Balkans, la Serbie sans le Monténégro et le Kosovo redevient un petit pays d’à peine 8 millions d’habitants, qui n’a plus rien à voir avec l’ex-Yougoslavie, fédération de 20 millions d’habitants dont les Serbes était la nationalité la plus nombreuse. Encore un pays européen victime du syndrome du « déclassement ».

Néanmoins la Serbie semble être la cause même de son « déclassement » tant les événements des guerres balkaniques des années 1990, et en premier lieu l’un de ses principaux commanditaire, Slobodan Milošević, semblent lui donner tous les torts.

 

 

    Un pays en voie de ’’normalisation démocratique’’

 

Le Tribunal pénal pour l’ex-Yougoslavie a condamné bon nombre de dirigeants serbes pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide (Milošević [1], aujourd’hui décédé, Vojislav Šešelj [2]), dont certains courent toujours (Ratko Mladić [3] et Radovan Karadžić [4]).

Aujourd’hui, même si la Serbie n’est plus une menace pour ses voisins, sa normalisation démocratique est loin d’être aisée, tant semble continuer à la hanter ses démons nationalistes. Les événements populaires du 5 octobre 2000, qui avaient abouti à l’éviction de Milošević et à l’élection de Vojislav Koštunica, avaient nourri beaucoup d’espoirs. Mais l’assassinat du Premier ministre réformiste Zoran Dindić, le 12 mars 2003, mit un coup d’arrêt aux réformes progressistes.

Depuis, rien ne semble pouvoir remettre la Serbie dans la droite ligne d’une normalisation démocratique et d’une future insertion au sein de l’Union européenne. Au point que cette dernière a récemment arrêté ses discussions avec l’Etat serbe autour du fameux « Accord d’Association et de Stabilisation » (ASA), préalable aux négociations d’adhésion à l’UE.

 

    Ces discours par lesquels le malheur arrive

 

J’avais soigneusement évité de répondre à la question des causes du déclenchement du conflit au sujet de la Bosnie-Herzégovine. Mais, après ce cours séjour en Serbie, à avoir croisé dans les rues de Belgrade ou de Novi sad des êtres humains apparemment comme tout le monde, j’aimerai tout de même me pencher sur le problème. Je laisse aux spécialistes de l’ex-Yougoslavie la fastidieuse énumération des faits précis qui ont pu amener au déclenchement du conflit pour m’intéresser davantage aux comportements humains ou nationaux en général.

 

Tout d’abord, l’utilisation, par Milošević, d’un nationalisme exacerbé pour conquérir le pouvoir. Une forme d’extrémisme national bien trop connu, qui lui aura fait dire que « les frontières sont toujours dictées par les plus forts. Nous considérons que c’est un droit légitime pour le peuple serbe de vivre dans un seul pays. Tel est le début et telle sera la fin. Et si nous devons nous battre pour cela, Dieu est mon témoin, nous le ferons ! ».

Dans cette triste histoire, c’est moins la folie de cet homme qui m’interpelle que le fait que la plus grande partie d’un peuple ait été sensible à ces paroles (bien entendu tous les Serbes n’ont pas suivi Milošević). Pourtant ces paroles ressemblent tellement à celles d’un autre que tout le monde a reconnu et coupable d’une partie des pires atrocités du siècle dernier.

Comment une personne qui a étudié la Deuxième guerre mondiale peut-elle prêter du crédit à de tels propos ? Que peuvent bien apprendre les Hommes de leurs parents ou de l’enseignement scolaire pour ne pas voir qu’ils réitèrent les mêmes erreurs que le passé a fait commettre à d’autres ?

 

 

    Victimes et bourreaux

 

Mais il y a pire encore ! Comment un peuple qui fût si souvent dans la situation d’une victime, conquis et soumis durant la plus grande partie de son histoire au point de n’avoir presque jamais existé librement, peut-il se retrouver aussi facilement à la place d’un bourreau ?

Ce qui est le plus spectaculaire est que si je rencontre un serbe et que j’ai le malheur de lui dire qu’il s’est conduit comme un bourreau, je risque fort de me faire cracher au visage… dans le meilleur des cas ! Car le nouveau bourreau ne se sent pas comme tel, il est avant tout une victime incomprise !

 

 

    La question du Kosovo 

 

Comme le laisse si bien entendre l’excellent guide touristique de la Serbie que Igor et ses colocataires m’ont offert pour mon anniversaire, les Serbes ont toujours été, de part l’histoire, et sont encore et toujours des victimes dans le cas du Kosovo. Le guide affirme même que « les Serbes du Kosovo sont les seuls personnes en Europe qui n’ont pas accès aux droits de l’homme les plus élémentaires alors même qu’ils sont sous administration de l’ONU : pas de sécurité pour leur vie en dehors des enclaves de protection de l’ONU, pas de droit de mouvement, pas de droit de travailler… » [5] Tout est affaire de point de vue !

Certains autres, comme notre militaire serbe de Banja Luka, continuent d’affirmer que la Serbie a été injustement victime des bombardements de l’OTAN en 1999 alors qu’elle ne faisait que réprimer, dans le cadre d’une action de police tout à fait légale, les actions de dangereux terroristes au Kosovo. On croirait entendre la France, qui a mis près de 40 ans à admettre que la guerre d’Algérie était belle et bien une « guerre » et non pas une « opération de police » [6].

 

 

    Les Hommes veulent-ils vraiment vivre en paix ?

 

Je repense aux Plaidoyer pour la paix d’Erasme, écrit en 1516, qui met en lumière ce qui, pour lui, sont les vraies causes de la guerre. Elles sont très simples : c’est avant tout que les hommes ne veulent pas la paix ! Il en est à mes yeux de même aujourd’hui : les hommes ne veulent pas la paix ou ne veulent pas vivre ensemble !

Car si tel était le cas, il n’est pas difficile de constater qu’aucun peuple sur terre n’est innocent ou parfaitement bon et juste. Et au petit jeu de celui qui est plus coupable que l’autre, chacun doit admettre qu’il a des fautes à son actif. Seule une véritable volonté de paix et de vivre ensemble peut conduire à cette prise de conscience. Seule une véritable volonté de paix et de vivre ensemble changerait profondément l’enseignement scolaire.

 

 

    Ethnocentrismes nationalistes

 

Un Serbe apprend avant tout l’histoire des serbes et non celle des hommes. On lui dit avant tout qu’il est un martyr de l’histoire sans lui dire tous les milliers d’autres peuples de par l’histoire et de par le monde actuel qui sont également des victimes. Un Serbe sait-il quelque chose de l’histoire de la Norvège, du Chili ou de l’Ouganda ? J’en doute ! A-t-il déjà discuté avec un Iranien, un Thaïlandais ou encore un Japonais ? A-t-il déjà une seule fois dans sa vie entendu parler finlandais, sénégalais, ou encore vietnamien ? Peu probable également !

Par contre il sait sur le bout des doigts que les Turcs l’ont occupé pendant cinq siècles, que les Serbes ont toujours été maltraités dans l’histoire, qu’il a toujours été une victime. Jetez plutôt un œil sur cet extrait d’article du Monde diplomatique de 1995 [8], faisant état de ce qu’apprennent les jeunes à l’école dans les Balkans :

« Nous sommes le seul peuple juste et bon, et pourtant l’injustice s’acharne contre notre innocente nation serbe. Tous les cinquante ans, une épée apparaît sur nos têtes et un génocide s’ensuit. » C’est ainsi qu’une jeune Serbe réfugiée de Croatie, Dusica L., quinze ans, élève d’un collège de Belgrade, s’exprimait dans un devoir d’histoire. Pour illustrer son propos, elle décrivait les souffrances endurées par sa propre famille au début de la guerre. Son professeur, Jelena H., émue à la lecture de ce texte, lui attribua une excellente note, affirmant que Dusica « portait l’histoire en son coeur ».

 

 

    L’Histoire mise au service du nationalisme ne

    vaut pas mieux que l’ignorance...

Un élève du même âge en Croatie apprend que, « avec les Serbes, la paix n’existe pas », car, d’après les manuels d’histoire, « ils tuent, pendent, massacrent, volent, brûlent et enlèvent les gens pour les enfermer dans des camps ».

La même vision apocalyptique imprègne les lycéens de Bosnie-Herzégovine. Le ministre de l’éducation précise en effet, dans l’avant-propos du programme scolaire, que « la finalité de l’éducation est que nos enfants apprennent à se défendre dans le monde hostile qui les entoure et à devenir assez forts pour résister à l’extermination ».  

 

Les Hommes sont-ils si fiers, au point de ne vouloir admettre aucunes de leur faute et de voir toujours dans « l’autre » le mauvais, le criminel ou le barbare ? Les hommes sont-ils aveugles au point de ne pas voir que l’histoire de toutes les nations, de toutes les ethnies, de tous les groupes humains ont avant tout tellement de similitudes ? Pourquoi les hommes ne veulent-ils pas la paix ? Pourquoi ne veulent-ils pas se comprendre ? Sont-ils trop fiers, trop arrogants ou trop ignorants ?

 

On a fêté il y a peu la réalisation d’un livre d’histoire commun franco-allemand. C’est un premier pas, tant mieux, mais il est bien faible. Si près de 60 ans ont été nécessaires à ces deux pays aux liens si forts aujourd’hui pour réaliser cet ouvrage, j’imagine combien de temps seront nécessaires pour un livre d’histoire commun à toute l’Europe… sans parler d’un livre d’histoire commun à tous les Hommes !

 

 

Le célèbre Ernst Jünger disait, après la Première guerre mondiale, dans son célèbre roman-journal Orage d’acier (1919) que l’ « on fera la guerre aussi longtemps qu’il restera des hommes. » Je dirais plutôt qu’on fera la guerre aussi longtemps que des hommes voudront la faire et, par conséquent, aussi longtemps qu’ils seront fermés sur l’histoire du monde et des hommes, fermés sur la connaissance d’autres langues et d’autres cultures, non envieux de mieux connaître et mieux comprendre « l’autre ».

 

Michel

 

 

1 – Le Tribunal pénal international pour l’ex-Yougoslavie (TPIY) inculpe Milosevic de crimes de guerre et de crimes contre l’humanité le 27 mai 1999. Il meurt en détention le 11 mars 2006 alors que son procès était encore en cours.

2 – Ancien dirigeant nationaliste du Parti radical serbe (SRS), aujourdh’hui en jugement au TPIY.

3 – Général de l’Armée de la république serbe de Bosnie. Recherché par le TPIY pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide.

4 – Ancien chef politique du Parti nationaliste serbe de Bosnie-Herzégovine (SDS). Recherché par le TPIY pour crimes de guerre, crimes contre l’humanité et génocide.

5 – Travel guide, Serbia in your hands, Komshe tourism, 2005.

6 – La proposition de loi reconnaissant officiellement “la guerre d’Algérie” a été voté le 10 juin  1999 par les députés et le 5 octobre de la même année par le Sénat.

7 – Amin Maalouf, Les identités meurtrières, Grasset, 1998.    

8 – Gordana Igric, Le Monde diplomatique, Il était une fois une fédération, Relectures guerrières de l’histoire Yougoslave, septembre 1995.

 

 

 

 

-LA SERBIE, EN BREF :

 

medium_800px-Europe_location_SRB.2.png

Son nom :

« Srbija » (i. e : Pays serbe, Serbie), en référence aux « Serbes », peuple slave (aux origines caucaso-iranienne ?) venu s’installer dans les Balkans au VIIe siècle de notre ère.

 

Superficie : 

Environ 90 000 à 105 000 km² (suivant que l’on y compte - ou pas - le Kosovo et le Monténégro).

 

Capitale :

La capitale de la Serbie est aujourd’hui la ville de Belgrade (Beograd) :

Une ville qui, au confluent du Danube et de la Save, compte actuellement environ 1,5 millions d’habitants. 

 

Principales grandes villes :

Comme principales grandes villes du pays, on pourrait citer les villes de Bor, Kraljevo, Kragujevac, Nic, Novi Pazar (dans le Sandjak), Novi Sad (en Vojvodine), Pancevo, Pristina et Prizren (au Kosovo), Smederevo, Subotica, Uzice, etc.

 

Drapeau :

medium_800px-Flag_of_Serbia_state_.svg.pngUn drapeau tricolore horizontal ’’rouge, bleu, blanc’’ rappelant les couleurs panslaves du XIXème siècle.

Drapeau frappé, en son centre, d’un écu où sont représentées les armoiries de la Serbie :

Soit une « Aigle bicéphale d’argent sur fond de gueules » (Armes de la Maison royale médiévale des Némanjides, laquelle régna sur la Serbie aux XIIe-XIII-XIVe et XVe siècles).

 

Hymne national :

L’hymne national serbe est aujourd’hui un chant religieux et patriotique intitulé « Boze pravde » (i. e : ’’Dieu de justice, sauve ton peuple (...) Sainte Patrie, nous te saluons...’’) :

Un texte de l’écrivain serbe Jovan Djordjevic (écrit en 1872, texte révisé en 1990), sur une musique du compositeur serbe Davorin Jenko.

Egalement chanté : « La marche sur la Drina » :

Chant patriotique (de Stanislas Biniecki et Miloje Popovic, texte définitif datant de 1965) évoquant les combats de la première guerre mondiale alors menés par les Serbes contre les armées austro-hongroises.

 

Fête nationale :

En Serbie on célèbre la fête nationale serbe tous les 28 juin, en souvenir de la défaite ’’héroïque’’ concédée face aux armées ottomanes, le 28 juin 1389, sur le champs de bataille de Kosovo Polje.

 

Population :

Environ 10 millions d’habitants dont près de 66% de serbes et près de 33% de minorités nationales diverses : albanais (kosovars), magyars (en Vojvodine), monténégrins, tziganes, valaques, etc).

 

Langues parlées :

A côté des langues pratiquées par les nombreuses minorités nationales, la langue officielle en Serbie est le Serbe : variété locale (qui s’écrit en caractères cyrilliques) - dîte ’’ékavienne’’ - des parlers slaves serbo-croates.

Nb : C’est au XIXème siècle, entre 1835 et 1890, sous l’impulsion d’érudits slovènes (Jernej Kopitar), croates (Ljudevit Gaj, Stanko Vraz, Ivan Kukuljevic, Ivan Mazuranic, Dimitrije Demeter, etc...) et serbes (comme Vuk Karadzic) que fut effectuée la ’’normalisation-standardisation-unification’’ des nombreux parlers serbo-croates autour du dialecte ’’stokavien’’ de Dubrovnik.

Et ce n’est qu’au tout début des années 1990, avec la montée des sentiments nationalistes, que les Etats-nations nouvellement constitués cherchèrent à se dôter politiquement, à nouveau, de normes linguistiques propres et individualisées.

 

Religions principales :

La religion dominante en Serbie est aujourd’hui le Christianisme orthodoxe (Orthodoxie) qui rassemble environ 66% de la population. Religion majoritaire côté de laquelle on trouve environ 20% de Musulmans et environ 05% de Chrétiens catholiques.

 

Adhésion à l’UE :

Préalable à une future entrée dans l’UE, un ’’Accord de stabilisation et d’association’’ (ASA) doit prochainement être mis en place entre la Serbie et l’UE.

Mais la conclusion de cet accord a été repoussée, récemment encore, par les autorités communautaires. Et ce, en raison des actuels difficultés à régler la questions des criminels de guerre fugitifs...

 

Formalités de séjour :

Pour séjourner en Serbie, les ressortissants de l’Union européenne ont besoin d’un passeport valable au moins encore un an ainsi que d’un visa. Par ailleurs, il leur est normalement fait obligation de se présenter aux autorités dans les vingt quatres heure suivant leur entrée sur le territoire national serbe.

 

Régime politique :

La Serbie est une Démocratie parlementaire représentative dirigé par un Président de la république et par un gouvernement, tous deux responsables devant la Skupstina (Chambre unique d’un Parlement monocaméral).

La Serbie est actuellement dirigée par un gouvernement de coalition formé des partis DSS (Parti démocratique de Serbie, parti nationaliste « modéré »), G17+ (groupes d’économistes libéraux) et SPO-NS (Mouvement du Renouveau - Nouvelle Serbie, nationalistes monarchistes).

Il s’agit là d’un gouvernement minoritaire au Parlement qui demeure l’otage des parlementaires d’extrême-droite du Parti radical serbe (SRS) et des socialistes ’’nationaux’’ du SPS (parti fondé par Slobodan Milosevic).

 

Actuel chef de l’Etat (Président de la République) :

L’actuel chef de l’Etat est le Président Boris Tadic, candidat du « Parti démocrate » (centriste), élu en juin 2004 (avec 53,4% des voix) face au nationaliste Tomislav Nikolic (candidat du Parti radical serbe, extrême droite).

Lors de ce scrutin de juin 204, Boris Tadic (candidat du Parti démocrate) était présenté comme l’héritier politique de Zoran Djindjic, le Premier ministre assassiné en mars 2003. A ce titre, il a mené une campagne moderne et dynamique, axée sur la poursuite des réformes entreprises depuis la chute de Slobodan Milosevic et pour « une Serbie en Europe ».

 

Actuel chef du gouvernement (Premier ministre) :

Il s’agit aujourd’hui (depuis mars 2004) de Vojislav Kostunica, ancien président de la république en 2000-2004 : homme politique étiqueté ’’nationaliste modéré’’ appartenant au « Parti Démocratique de Serbie » (DSS).

 

Monnaie :

La monnaie de la Serbie est actuellement le nouveau dinar (1 nouveau dinar = 100 para). (1 ND = 0.001 euro)

NB : L’euro est la monnaie officielle au Kosovo et au Monténégro.

 

Economie :

Aujourd’hui la situation économique en Serbie est tout particulièrement délicate avec des statistiques éloquentes, dans le sens le plus négatif du terme : des taux d’inflation et de chômage parmi les plus hauts d’Europe (entre 20 et 30%), des revenus faibles (environ 200 euro de salaire moyen) et une dette internationale de près de 650 millions d’euro (contractée auprès du Club de Paris).

C’est pourquoi, l’an passé, la Serbie a conclu avec le FMI (Fonds Monétaire International) un accord de bonne gestion économique prévoyant une relance de sa politique de réformes structurelles. Ainsi, en novembre dernier, Belgrade a adopté un budget pour 2006 prévoyant une réduction drastique du train de vie de l’Etat et de profondes réformes structurelles.

Ici, il s’agit de relancer un processus de réformes quasiment gelé en 2005 : privatisations, refonte des systèmes de santé, de retraites ou de l’enseignement. Des réformes tout particulièrement impopulaires dans la mesure où elles prévoient une remise en question de certains acquis sociaux et risquent d’amplifier l’actuel chômage de masse.

Des réformes impopulaires et des difficultés économiques qui, conjuguées avec les récentes frustrations nationalistes nées de la sécession du Monténégro (et de la séparation probable d’avec le Kosovo...), risquent de remettre en question l’actuel très fragile équilibre politique du pays.

 

Un peu d’Histoire :

medium_Armoiries_Serbie.2.png                                                                                                                                    Les armoiries de la Serbie

Les Historiens estiment aujourd’hui que l’arrivée des Serbes dans les Balkans remonte aux VIe et VIIe siècles. Là, ils fondèrent de petits Etats slaves (Raska, Duklja ou Zéta, etc) tout d’abord placés sous la dépendance de l’Empire byzantin.

Provisoirement unifié sous l’action des Princes Nemanjides (à la fin du XIIe siècle), le royaume de Serbie connut son apogée au XIVe siècle, sous le règne du ’’tsar’’ Dusan (1331-1355) : période éphémère durant laquelle le Royaume serbe disputait l’hégémonie dans les Balkans à l’Empire byzantin.

Mais la Serbie allait bientôt tomber, à la charnière des XIVe et XVe siècle, dans l’orbite puis sous la dépendance de l’Empire ottoman (notamment après l’épisode fameux de la célèbre bataille de Kosovo Polje du 28 juin 1389).

Après quatre siècle de domination ottomane, la Serbie allait connaître au début du XIXe siècle une période d’insurrection nationales (en 1804 et 1815) à la suite desquelles elle reprendra son autonomie (en 1830) puis son indépendance (en 1878), avant de devenir le pôle d’attraction autour duquel va se constituer le « Royaume des Serbes, Slovènes et Croates » (en 1918), future Yougoslavie.

Depuis lors, l’histoire de la Serbie se confond avec celle de la Yougoslavie contemporaine (et de ses différents avatars successifs), jusqu’au démembrement ce celle-ci, sous l’action des nationalismes conjugués, à l’extrême fin du XXe siècle.

Aujourd’hui, maintenant que le Monténégro vient de choisir de prendre son indépendance par rapport à la Serbie (à la suite du référendum des 21 et 22 mai derniers...), la question du statut définitif du Kosovo reste en suspend : objet de discussions entre les autorités serbes de Belgrade et les autorités albano-kosovares de Pristina.

Nb : De par la Résolution 1244 du Conseil de sécurité de l’ONU (du 10 juin 1999), la province serbe du Kosovo est aujourd’hui gérée par l’ONU via une administration internationale spéciale : la MINUK (i. e : la « Mission internationale des Nations Unies pour le Kosovo »).

Et - en vertu des Accords de Kumanovo de juin 1999 - le Kosovo est aujourd’hui occupé par une force internationale spéciale de maintien de la paix : la KFOR (soit environ 20 000 hommes issus de l’OTAN).

Cette même résolution 1244 reconnaît l’appartenance du Kosovo à la Serbie mais elle présente aussi ce statut comme provisoire : porte ouverte vers une possible future indépendance de cette province serbe aujourd’hui sous ’’protectorat’’ international.

 

Personnages célèbres :

Sans revenir sur les événements sanglants des années 1989-1999, on pourrait au moins citer :

... le fameux érudit Vuk Stefanovic Karadzic] (1787-1864) (grand codificateur de la langue serbo-croate au XIXe siècle) ainsi que le scientifique Nikola Tesla (inventeur du courant alternatif), le célèbre compositeur Goran Bregovic (de mère serbe), le réalisateur Emir Kusturica, l’actrice Milla Jovovic (de père serbe) et le fameux joueur de basket Vlade Divac.

Sans parler du fameux Mehmed pacha Sokolovic, serbe islamisé de Bosnie (du XVIe siècle) devenu Grand vizir ottoman à la Cour d’Istambul.

Lequel fit construire - à Visegrad - le fameux pont sur la Drina (rendu célèbre par le roman éponyme du prix nobel yougoslave Ivo Andric...) et rendit possible le rétablissement du Patriarcat autonome serbe (restituant ainsi son autonomie à l’Église autocéphale orthodoxe serbe).

 

Pour en savoir plus (Informations pratiques et agenda culturel ) :

www.serbia-tourism.org

 

Sources images et photos: http://fr.wikipedia.org 


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14 July 2006

Analyse Bosnie-Herzégovine 2

 

Bosnie-Herzégovine

 

Deuxième partie

 


Dans cette partie nous nous attacherons à rendre compte plus précisément de nos interventions et de nos discussions avec les autochtones. Cette analyse recoupe largement ce que Yves a déja rapporté dans les articles précédents.

 

Mostar (Fédération croato-musulmane) :

  

    Choc culturel: 
 

Ce qui nous plaît beaucoup, depuis que nous sommes dans cette ville, c'est l'immense fossé qui sépare notre représentation d'un musulman de ceux que l'on voit ici.

Tout d'abord le physique est tout à fait le même qu'un français, type classique d'un " européen blanc ". Certes pas tous, certains ayant un physique plus " oriental " dirons nous, mais ils sont minoritaires. Puis vient le style vestimentaire. Après notre semaine à Mostar mes deux mains suffisent à compter le nombre de foulards aperçus qui couvraient la tête d'une femme.

Par contre, impossible de compter le nombre de " fashion victim " croisées dans la rue… et pour être tout à fait franc, depuis le début de notre voyage, nous n'avons jamais vu aussi " fashion " et aussi provoquant chez les jeunes femmes. Et ces jeunes femmes sont musulmanes ! J'imagine la surprise, voir le choc, chez un français ou tout autre européen (qui sont tout deux souvent racistes, même s'il ne faut pas le dire) qui se balade dans les rues de Mostar. D'abord il croira se retrouver dans un clip de Hip-hop américain où toutes les femmes sont une promesse de jouissance, au moins visuelle (sic). Puis glissez-lui dans l'oreille que ces jeunes femmes sont musulmanes… vous avez là la recette d'un " choc culturel " ! 

Un choc parce que la connexion est tout à fait impossible entre ce qu'il voit et se qu'il s'imagine être une femme musulmane. D'ailleurs, je vous l'avoue, moi-même j'ai encore un peu de mal à faire la connexion. Même si je suis un peu trop informé pour être victime de stéréotypes trop grossiers, je ne m'étais tout de même pas imaginé… à ce point !

 

    Intervention à l'école: 
 

Au sujet de notre intervention dans une école primaire située du côté est de la ville, donc dans une école musulmane, l'effet est le même. Des jeunes âgés de 10 à 14 ans, donc pas encore trop touché par la " fashion victim attitude ", mais, idem, tout à fait comparable à toute classe de petits français.

Je fais le pari, en étant sûr de gagner, que si nous plaçons n'importe quel français dans cette classe, il sera impossible pour lui de dire le pays d'origine de ces jeunes et, surtout, encore moins qu'ils sont musulmans.


Et ces jeunes vont nous surprendre davantage encore. Tout d'abord, notre interprète sera inutile, sauf pour les moins de 12 ans, car la majorité des élèves comprennent l'anglais et surtout le parle. Alors qu'en France, l'un des pays le plus " riche " du monde, on apprend une langue dix ans sans être capable de la parler, ici, dans un des pays les plus " pauvre " on sait la parler à l'âge de 12 ans !

Sur ce point le Bosnie-Herzégovine est à mes yeux plus riche que la France. Et ces jeunes sont futés, pleins de bon sens, intéressés. Bref, c'est l'une de nos meilleures interventions (et j'en ai pourtant une bonne centaine à mon actif, dont une cinquantaine en France). Elle nous laisse, surtout, plein d'espoir pour un pays qui a bien besoin d'une jeunesse ouverte et motivée.

 

    Citoyenneté active: Abraševic
 

Pour finir, un superbe exemple de citoyenneté active nous sera donné par les jeunes qui s'occupent d'un lieu tout à fait particulier, nommé Abraševic (prononcé " abrachévitch ").

C'était, 67 ans plus tôt, en 1928, un haut lieu de la vie sociale et culturelle. Aujourd'hui c'est encore une ruine. Les jeunes ont manifestés pour se réapproprier cet endroit avec des slogans comme " Rendez Abraševi? aux jeunes " ou encore " Nous avons tous droit à un toit au-dessus de nos têtes ". Et, à force d'efforts et de négociations, ils sont enfin parvenus à obtenir gain de cause.

On nous proposera de garer notre camionnette dans l'enceinte de cet endroit où nous aurons une parfaite autonomie avec Internet et douche à disposition. Les bâtiments étant toujours en ruine, les jeunes logent dans des containers qui sont équipés comme de petits appartements.

Enfin, nous assisterons dans la " salle de spectacle ", à la projection d'un film espagnol sous-titré en serbo-croate et à une pièce de théâtre joué par des jeunes locaux entièrement en allemands. Décidément, rarement nous ne nous sommes autant sentis en Europe qu'à Mostar, pourtant tellement orientale avec ses minarets pour ligne d'horizon.

La voilà enfin, enfin, la différence, de la vraie ! Pour nous le voyage commence sans conteste à Mostar, grâce, notamment, à la beauté de cette ville et de ses mosquées. Et quelle chance pour l'Union européenne d'avoir la possibilité d'intégrer un jour ce pays en son sein.

 

 

Sarajevo (Capitale de la Fédération croato-musulmane et de la Bosnie-Herzégovine) : 

 

    Intervention au lycée: 
 

Nous passerons seulement deux jours à Sarajevo mais y effectuerons une intervention inoubliable. Les élèves sont une fois de plus des musulmans, âgés de 18 ans, et, comme leurs camarades plus jeunes de Mostar, tout à  fait semblables à n'importe quel jeune français.

Nous commençons notre interventions et arrivons rapidement à la question du " est-ce que vous vous sentez tous, ici, bosniaques ? " (Petite précision : " bosniaque " est généralement considéré comme désignant les musulmans de Bosnie-Herzégovine alors qu'un " bosnien " est le terme général pour un habitant de la Bosnie-Herzégovine). Dans tous les autres pays, par exemple la Slovénie, on nous réponds toujours " bien sûr que nous nous sentons slovène " avec une touche d'incompréhension face à une question aussi stupide.

Ici, encore une surprise ! Les élèves ne veulent pas répondre. Nous insistons ! Alors on commence à nous dire que cette vision de l'identité est tout à fait ridicule. Un élève se lève même jusqu'au tableau et nous fait un schéma pour nous expliquer " qu'ici, si tu dis que tu es un bosniaque, tu es donc un habitant de la Fédération croato-musulmane, tu parles bosniaque et tu es donc musulman. Tout comme si tu es un serbe, alors tu es un habitant de la République serbe de Bosnie, tu parles serbe et tu es orthodoxe ".

Pour eux cette vision des choses et ridicule et réductrice, il ne veulent pas y être associés !!! Eh bien çà ! Nous n'avons encore rien dit que se sont les élèves qui font notre cours à notre place ! Alors qu'il ne nous faut pas moins d'une bonne heure, en général, pour faire assimiler cette notion aux élèves, ici, nous n'avons même pas besoin de faire l'intervention. Je les regarde en souriant et leur dit " eh bien écoutez, je crois que nous allons rentrer chez nous puisque nous n'avons pas grand-chose à vous apprendre ! ". Evidemment nous resterons, cette fois nous même étant les plus motivés des élèves.

 

    Autour d'un café: 


Nous irons ensuite boire un verre avec ses jeunes et apprendrons beaucoup. Nous parlerons encore de ces problèmes identitaires réducteurs. Pour vous dire, même les prénoms vous assimilent à une identité. Par exemple, l'une des jeunes filles s'appelle ?, ce qui l'assimile, " normalement ", à une serbe, alors qu'elle est bosniaque.

Nous parlerons aussi de la guerre. Au début ils ne souhaitent pas l'évoquer, mais, tout doucement, les langues se dénouent. Finalement ils n'ont pas beaucoup de souvenirs, juste qu'ils étaient enfants et que cette situation leur paraissait normale puisqu'ils n'en avaient pas connu d'autres.

Certes ils souhaitaient la paix mais n'avaient, en fait, aucune idée de ce que cela voulait dire. Ils ne pouvaient pas sortir de chez eux, suivait des cours dans des garages, des caves ou à domicile. ? se demande encore comment elle faisait pour monter plusieurs fois par jour le lourd bidon de 10 litres d'eau jusqu'au sixième étage alors qu'aujourd'hui elle s'en sent incapable. " Comme quoi, on peut s'adapter à tout ! " nous dira-t-elle !

Autant de bon sens chez ces jeunes fait plaisir à voir. Dommage qu'il faille, apparemment, vivre la cruauté d'un tel conflit pour parvenir à cette clairvoyance.

Enfin, nous parlerons aussi du problème lié aux visas. La Bosnie-Herzégovine et une sorte de " prison " de laquelle il est presque impossible de sortir. Ils peuvent aller en Croatie en Serbie et à… Cuba sans visa. Pour le reste, c'est quasiment impossible. Nous comprenons mieux les réponses que l'on nous fait habituellement sur les avantages d'intégrer l'Union européenne : " avoir une vie meilleure et… pouvoir voyager ".

 

 

Banja Luka (Capitale de la République serbe de Bosnie) :

 

    Interventions au Centre Culturel Français:
 

Nous ferons quatre interventions à Banja Luka, organisée par Bérengère, la directrice du Centre Culturel français qui nous a remarquablement accueillie. Les deux premières concernent des personnes de tout horizon. La plupart seront très satisfaites.

Une jeune nous donnera du fil à retorde sur la question de savoir si elle se sentirait serbe si elle avait été adopté étant encore un nouveau né, par un couple allemand sans le savoir. Elle ne démord pas : " si mes parents sont serbes, alors je suis serbe ! ". Mais elle finira par " y réfléchir " en lui faisant bien comprendre qu'il faut qu'elle s'imagine que ses parents adoptifs ne lui ont jamais dit qu'elle était serbe et adoptée. Les autres approuvent. Evidemment, ils ne se sentiraient pas serbe mais allemand. Ouf !

Une autre de ces jeunes, Natasa, a déjà assimilé toutes ces notions, sans jamais avoir voyagé, juste grâce à la connaissance et au bon sens. Cela fait plaisir ! 

Nous aurons aussi une discussion avec deux militaires qui avaient assisté à notre intervention et qui se débrouillent très bien en français. L'un deux, plus posé, nous dit qu'il nous approuve. Il pense que les religions ne sont pas un vrai problème mais que c'est les politiciens qui s'en sont servis pour manipuler les gens. Pendant la guerre il n'était pas sur la ligne de front puisqu'il s'occupait de la défense anti-aérienne.

Très intéressant, il nous fait remarquer qu'il a déjà " quitté son centre " (notion dont nous faisons la promotion pendant nos interventions) en partant en mission en Ethiopie, notamment pour s'occuper du problème avec l'Erythré. Il dit qu'il a constaté, là-bas, que les gens devaient faire face aux mêmes problèmes quotidiens et, surtout, aux mêmes manipulations des hommes de pouvoir. Expérience très bénéfique pour lui !

Quant au second militaire, nous dirons que c'était un " pur ". Dans le sens où dès le début il nous dit que nous ne pouvons pas les comprendre. " N'est-ce pas normal que l'armée intervienne face à une région qui veut faire sécession d'une grande nation ? ". Tout y passe, comme la ridicule glorification de " la grande histoire française ", une " grande nation " qu'il envie. Décidément on ne vit pas sur la même planète. Yves me dira même que sur certain point de la discussion, il en a eu la nausée !

 

    Interventions avec le "parti des Jeunes Démocrates": 
 

Deux autres interventions auront lieu avec le " parti des jeunes sociaux-démocrates ". Soyons franc, alors que nous nous attendions à une intervention un peu corsée avec des jeunes politisés, nous  aurons ici notre pire souvenir.

Aucun ne parle anglais, ils sont pleinement indifférents, ne comprennent absolument rien à nos questions et sont totalement incapables de nous expliquer les objectifs de leur parti politique. Une jeune nous dit même qu'elle voudrait un retour à la monarchie, la démocratie étant un régime mauvais, sous prétexte que c'est la foule qui décide et que, selon elle, " si deux personnes sur trois décident qu'il ne faut pas travailler, alors personne ne travaille, c'est çà la démocratie " ! Epoustouflant, non ? Elle sera incapable de développer un argumentaire cohérent et d'expliquer cette phrase digne du plus stupide des démagogues, qu'on a du lui souffler lors d'une réunion. Nous quittons ces jeunes opportunistes avec un goût amer au fond de la gorge.


Heureusement la seconde se déroulera de manière classique et nous rassure quelque peu. L'un des plus radical ne nous ménage pas en expliquant qu'il n'a rien contre les " autres " mais qu'il aimerait pouvoir être lui-même et garder ses traditions. " Pourquoi n'avons-nous pas le droit de garder notre drapeau et notre hymne national ? C'est injuste ". Le militaire cité plus haut m'avait déjà fait part de ce problème. Alors que c'était un homme de consensus, prêt à faire des sacrifices, il ne comprenait tout de même pas pourquoi il devait abandonner son drapeau et son hymne national. A vrai dire moi non plus !

 

    Rencontre avec un militaire de l'OSCE: 
 

Enfin, nous ferons une excellente rencontre au cours d'une soirée chez Bérengère. R. travaille à l'OSCE (Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe) largement présente dans le pays. Je lui demande des détails sur son job. C'est un homme calme, tout à fait cynique et passionnant.

Il nous dira que son boulot c'est " d'imposer la démocratie ". Je lui demande si " ça se passe bien avec la population ? ". " Oh oui ! " me répond-il, " on leur fait une bonne clé de bras, on leur braque un flingue sur la tempe et on menace de leur coller un procès au cul… donc ils coopèrent, çà va ! "Vous l'aurez compris, R. n'est pas un politicien, c'est un homme de terrain !

Il nous dit que parmi les 6000 hommes de l'EUFOR il y a 36 nationalités, même des Chiliens. En fait, c'est donc une force de l'ONU dirigé par l'UE. Il nous parle de la situation de tutelle du pays et des pleins pouvoirs du " nabab local ", le haut représentant de l'ONU.

Il est vrai que Paddy Ashdown a été remplacé depuis quelques mois par un allemand de plus de 80 ans. Dans ses discours, il semble qu'il commence à fermer les yeux au bout de 20, 30 minutes. Officiellement il faut dire que c'est parce que ça lui permet de mieux se concentrer. En fait il ronfle ! Il s'est même cassé la figure de sa chaise, une fois, au Parlement à Sarajevo.Et bien voilà un changement de point de vue plus qu'intéressant !

Il nous dit que pour lui, les Balkans commence après la Croatie. J'ai le même avis à présent. L'un de ses moyens de repère consiste dans le fait que lorsqu'une personne vous dit : " ce bâtiment à été construit par les austro-hongrois, avec des pierres de Hongrie, par un architecte italien, etc ",  vous n'êtes pas dans les Balkans. Si la personne vous dit : " ce bâtiment à été construit par nous, avec nos matériaux, par notre architecte, etc ", vous êtes dans les Balkans.

Nous parlons aussi de la mentalité des Serbes. Il nous fait par de son avis, de leur complexe du martyre, du réflexe de suivre un chef. " Les partis ne sont pas des partis, c'est un homme que les autres suivent " précise-t-il. Notre rencontre avec les jeunes semble le confirmer, comme l'un d'eux qui nous dira " nous avons besoin d'un guide ". " Si vous allez voir les ultras, ils vous balancent le complot musulman appuyé par les Etats-Unis, le protocole des Sages de Sion, etc " ajoute-il encore. " Et si on leur dit que maintenant ils sont enfin libre, ils vont vous dire que ce n'est pas vrai car ils sont soumis d'une autre manière ".

Nous parlons aussi du problème de la gestion actuelle de la Bosnie-Herzégovine. Pour lui, les accords de Dayton entérinent, en quelque sorte la victoire des bosniaques. Ceux-là, du coup, " prennent un malin plaisir à humilier les Serbes ". Dernier exemple en date, le chant patriotico-religieux et l'insigne de la République serbe sont devenus illégaux (problème mentionné plus haut). Alors qu'un politicien, prétendument ultra, lui avait dit que si ils pouvaient au moins conserver ces deux symboles, c'était bon, il était prêt, en gros, à tous les sacrifices (R fréquente beaucoup les politiciens). Nous passerons, décidément une riche soirée !

 

 

Tuzla (Fédération croato-musulmane) :

 

    Centre Culturel Français et citoyenneté active: 
 

Notre passage à Tuzla sera rapide. Nous dormirons pendant deux jours au milieu de la bibliothèque du Centre Culturel français, mise à notre disposition par son très sympathique directeur, Pascal.

Nous rencontrerons rapidement quelques jeunes bien investis qui travaillent à la mise en place d'un centre culturel. L'une de ces jeunes, Ella, me dit, comme les autres bosniens que nous avons rencontrés, qu'elle veut vivre en Bosnie-Herzégovine. Mais elle veut beaucoup voyager, notamment étudier en Europe de l'ouest pour revenir avec assez de compétences pour aider les habitants de son pays.

 

Voilà, dressé rapidement, en deux volets, nos impressions et notre vécu dans ce pays magnifique, tout entier recouvert de montagnes et dont l'identité est plus que… complexe ! Un laboratoire européen qui donne envie de s'y investir et qui reste notre meilleur souvenir du voyage.

 

Mıchel


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13 July 2006

Analyse Bosnie-Herzégovine 1

Bosnie-Herzégovine

 

 

Première partie

 

 

 

La richesse de notre séjour dans ce « pays » tout à fait particulier ne nous donne pas la possibilité de tout dire dans un seul article. Celui-ci sera donc le premier d’un volet en deux parties.

 

 

Concentré d’Europe ! Voilà ce qui me vient à l’esprit après avoir quitté ce « pays ». L’analogie est la même avec l’ex-Yougoslavie.

 

En effet, on assiste, avec les guerres des années 1990, à une sorte « d’histoire européenne », mais à une échelle géographique et temporel bien plus réduite.

 

 

 

    La Bosnie-Herzégovine, un concentré d’Europe

 

 

Les nations de cette fédération vont acquérir leur indépendance par la guerre (si ce n’est l’exception récente du Monténégro) et l’idée nationale sera à l’origine de nombreux déplacements de population et même de nettoyages ethniques. Rien de très « original » au regard de l’histoire européenne !

 

Pourtant, pour les européens de l’ouest, où l’idée nationale est tout de même arrivée à un stade de maturité nécessaire pour enfin commencer la construction de l’Union européenne, ce qui c’est passé en ex-Yougoslavie dans les années 1990 est tout à fait incompréhensible.

 

Mais c’est sans penser qu’en Europe centrale et orientale, les nations n’existent pas depuis plus de 200 ans comme la France. Pour la plupart elles n’ont quasiment jamais eu l’occasion d’exister, toujours conquises ou occupées par d’autres empires (turc, russe, allemand, français, etc) et certaines n’ont réellement jamais existé en tant que nation (Slovénie, Bosnie-Herzégovine, Macédoine, Kosovo, etc).

 

De plus, à bien comparer, il aura suffit d’une quinzaine d’année à l’ex-Yougoslavie pour réaliser ce que les européens de l’ouest ont mis plus de 150 ans à effectuer, à grands coups de conflits jusqu’au bouquet final des deux guerres mondiales. En fait, les « barbares » des Balkans ne tiennent pas la comparaison avec les prouesses guerrières et destructrices de l’Europe de l’ouest pendant ces deux derniers siècles.

 

 

 

    In varietate, Concordia ?

 

 

Pour revenir à la Bosnie-Herzégovine, ce petit « pays » est, de manière étonnante, une sorte de « petite ex-Yougoslavie » à lui seul. Car ce n’est pas vraiment un pays. C’est plutôt une ex-région de l’ex-Yougoslavie, composée, comme nous le dira un élève, de « trois nations et trois vérités ».

 


En effet, la Bosnie-Herzégovine est divisée en deux parties.La première est elle-même composée de deux parties, la Fédération croato-musulmane, majoritairement composée de Bosniaques le plus souvent de confession musulmane et de Croates le plus souvent de confession catholique. La seconde est la République serbe de Bosnie (Republiqua Srbska), majoritairement composée de Serbes le plus souvent de confession orthodoxe.

 

Le pays fût le plus durement touché par les guerres balkaniques. En Bosnie-Herzégovine, la guerre a commencée, officiellement, le 6 avril 1992, faisant plus de 220000 morts, donnant lieu à de nombreux nettoyages ethnique (massacre de Sebrenica, etc) et la paix règne enfin depuis les accords de Dayton en 1995.

 

Mais ces accords ont entériné la division ethnique du pays et ce dernier est toujours une sorte de colonie, de protectorat européen où le représentant de l’ONU qui dirige le pays détient un pouvoir quasi absolu. Enfin, la force militaire de 6000 hommes qui se trouve sur place, dirigée par l’Union européenne, l’EUFOR, a pour mission de maintenir l’ordre.

 

 

    Une sorte de protectorat onusien géré par l’UE

 

Sur ce dernier point, à bien y réfléchir, la situation est « paradoxale ». Vous vous déplacez dans un minuscule pays où trois entités, trois religions, qui avaient réussies à vivre ensemble dans la tolérance se retrouvent gouvernées par l’Union européenne, composée de pays qui vivent enfin dans la concorde après plusieurs siècles de haine réciproque.

 

Pour vous donner un exemple, lorsque nous nous retrouvons à Mostar, nous déambulons dans une ville où cohabitent les ruines, les églises catholiques et les mosquées ainsi que les soldats de l’EUFOR tantôt marqués par l’écusson français, allemand, belge ou encore espagnol. Et vous pouvez payer en monnaie croate, bosniaque et même en euro… un « melting pot européen » tout à fait inédit !

 

 

 

Cette situation particulière nous fait réaliser d’une tout autre manière ce que veut dire « la communauté internationale ». Pendant les deux semaines que nous passerons en Bosnie-Herzégovine, nous croiserons de nombreux soldats et convois de l’EUFOR, toujours avec des drapeaux différents : anglais, allemand, roumain, suédois, turc, espagnol, italien, autrichien, finlandais, ONU (Organisation des Nations Unies), OSCE (Organisations pour la Sécurité et la Coopération en Europe), UNHCR (Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies), etc. On a, effectivement, l’impression que le monde entier est ici !

 

Et de même pour les dons. Rien qu’à Mostar vous trouvez le « Vieux pont », financé assez largement, un autre vieux pont financé par le Luxembourg, un centre de jeunesse par l’Espagne, les bains publics par l’Italie, les mosquées par la Turquie ou l’Arabie saoudite, etc. On peut alors ressentir cette situation du point de vue d’un autochtone et c’est vrai que l’on se sent « occupé ». Mais comme c’est une occupation « multicolore », cette dernière reste acceptable, même si, à dire vrai, on attend tout de même avec impatience le départ des « internationaux ».

 

 

 

    Questions sans réponse

 

Pendant notre séjour nous nous posons tout de même deux questions auxquelles il est difficile de trouver des réponses satisfaisantes. La première concerne le mélange incroyable de population.

 

Quelle histoire, quels événements ont contribué à aboutir à cette situation où tant de populations différentes cohabitent sur un espace si réduit ? La seconde question reste la plus délicate, la plus mystérieuse et concerne tous les êtres humains de tout temps et de tous continents. Comment arrive-t-on à une situation de conflit, de haine de l’autre, d’extermination ethnique entre des populations qui entretenaient autrefois des liens de tolérance et même d’amitié ? Quelle étrange mécanique fait ressurgir à la surface la bête qui sommeil en chacun de nous ? (Pour cette dernière question je ne m’aventurerai pas à tenter une explication tant le développement serait long et fastidieux).

 

 

Pour la première question, un constat s’impose. A bien regarder un atlas historique, on constate que la Bosnie-Herzégovine marque l’extension ultime de l’Empire ottoman, une sorte de frontière entre catholiques de l’empire austro-hongrois et musulmans. C’est un lieu de friction entre grands empires, comme l’Europe centrale en général. Mais pour la Bosnie-herzégovine c’est tout à fait particulier. Une sorte d’épicentre où se rencontrent les grandes influences religieuses : catholique, orthodoxe et musulmane.

 

Réinventer le vivre ensemble dans ce « pays » est un challenge de taille tout à fait symbolique. Si l’Union européenne souhaite sincèrement réaliser une union démocratique multiculturelle, ce dont elle n’a pas vraiment le choix si elle veut subsister et se renforcer, c’est à cet endroit de l’Europe qu’il faut chercher des solutions.

 

 

 

    Sarajevo, nouvelle Jérusalem ?

 

 

Je me prends d’ailleurs à un comparatif osé mais qui me semble pourtant porteur de sens. Si vous prenez le cas de Jérusalem, il est tout à fait certain que trouver la clé du vivre ensemble à cet endroit sera un progrès fantastique pour l’avancement de la paix et du respect identitaire dans le monde.

 

Si on me demandait un jour de choisir la capitale de la futur fédération mondiale (on a bien le droit de rêver à des choses tout à fait réaliste), je n’aurais pas l’ombre d’une hésitation, mon choix serait Jérusalem ! Mais, bien entendu, je ne pense pas qu’il faille une seule capitale pour le monde, Jérusalem ne représentant pas assez l’Asie, par exemple.

 

Quant à l’Europe il en va de même. Nous avons une petite Jérusalem qui s’appelle Sarajevo. Et si vous y réfléchissez bien, cette ville où vous trouvez une foule de mosquées, d’églises catholiques et orthodoxes, et qui a subit un terrible siège de plusieurs années, se trouve à la confluence de trois grandes religions matrices de l’Europe.

 

 

    Eviter le choc des civilisations  

Aujourd’hui se pose la question des frontières, la question du l’essence même du projet européen. Vue comme la question de la Turquie dérange, tout comme celle de l’immigration, on ne peut que se rendre à l’évidence : la religion musulmane dérange !

 

Pour beaucoup d'européens chrétiens, un musulman n’est pas un européen, à part si il est discret et ne demande pas la permission de construire des mosquées. A ce petit jeu les européens passent à côté d’un des points clé de leur identité et prennent un chemin tout tracé, celui du repli identitaire. Nous savons tous où cela va nous mener et le « choc des civilisations » ne sera sans doute plus une idée abstraite.

 

 

 

    Que veut-on faire de l’Europe ?

 

Que veut-on faire de l’Europe ? Une grande nation chrétienne ou « le lieux privilégié de l’espérance humaine » (préambule de la Constitution), celui de la démocratie et du respect des Droits de l’homme, de la concorde et de la prospérité ? Voilà la nature du projet européen et celui-ci nécessite de l’audace, de la confiance et de l’ouverture… et beaucoup de travail !

 

Si l’Europe des six avait choisie, comme une évidence, Bruxelles et Luxembourg pour capitales, donc les pays les plus petits et qui représentent tous deux une excellente synthèse des six pays de l’époque, il faut comprendre que pour la « grande Europe », ces deux capitales ne sont plus vraiment « adaptés ». A moins que « l’est européen » ne continue d’être une sorte d’extension de l’ouest. Au risque de complications futures intenables et, une fois de plus, de rater l’objectif fondateur européen.

 

Si l’Union européenne doit s’étendre jusqu’à la frontière russe et à la Turquie, le changement de nature est plus que conséquent. Il y aura alors au minimum neuf pays à majorité orthodoxes (Monténégro, Serbie, Macédoine, Grèce, Bulgarie, Roumanie, Moldavie, Ukraine, Biélorussie) qui représentent une population de plus de 100 millions de personnes, auxquelles il faut ajouter toutes les minorités orthodoxes dans les autres pays européens. Et du côté musulman, il y aura quatre pays (Turquie, Albanie, Kosovo et Bosnie-Herzégovine) qui représentent une population de près de 80 millions d’habitants, auxquelles il faut rajouter les très nombreux musulmans présents dans les autres pays européens (rien qu’en France, plus de 5 millions, deuxième religion du pays).

 

Je précise tout de même (même si c’est une évidence) que tous les orthodoxes ne sont pas les mêmes, tous comme les musulmans et tout comme un catholique français est bien différent d’un catholique slovaque ou encore espagnol.

 

 

 

    Sarajevo, la ville du vivre ensemble européen ?

 

 

Durant notre cours séjours à Sarajevo, j’ai eu l’occasion de déambuler dans l’immense cimetière qui se trouve légèrement en périphérie. C’est l’un des plus impressionnants et des plus beaux que j’ai vu. Il s’étend sur les deux flancs d’une colline, avec une nette démarcation entre les tombes musulmanes, très sobres, dont la pierre tombale est toujours blanche et les tombes chrétiennes, à l’allure beaucoup plus imposante, toujours de couleurs grises ou noires.

 

Au milieu de cette étendue déconcertante, se trouve un sanctuaire en forme d’arc de cercle. Ce dernier est composé de sorte d’alvéoles, dont cinq plus importantes, chacune d’entre elles surmontés d’un symbole religieux différent : l’étoile juive, la croix catholique, une rose (j’avoue mon ignorance sur la signification de ce symbole), la croix orthodoxe et le croissant musulman.

 

C’est devant cet édifice surprenant que je n’ai pus m’empêcher de penser que c’est dans cette ville, carrefour des religions, carrefour européen par excellence, que le challenge du « vivre ensemble » est le plus prégnant.

 

 

 

Alors Sarajevo, ville meurtrie et consubstantiellement multiethnique, comme l’une des futurs nouvelles capitales européennes, porteuse de sens pour réinventer le vivre ensemble de la futur réalité de l’Union européenne ? Cela me semble tout à fait cohérent et… audacieux, à l’image du projet européen.

 

 

Mıchel

19:10 Posted in ANALYSES | Permalink | Comments (0)

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