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28 April 2006

Livre identité, interculturel.

 

LES IDENTITES MEURTRIERES

Amin Maalouf

 

Un livre simple, clair, accessible. En moins de 200 pages, Amin Maalouf lance un cri du cœur. Il s’attelle, sans complication intellectuelle, à la lourde question de l’identité. Cette identité par essence complexe mais qui trop souvent, par simplification et replis sur soi devient agressive, revancharde, intolérante et « meurtrière ».

Amin Maalouf, a vécu jusqu’à l’âge de 27 ans au Liban, mais il vit depuis 22 ans en France. Et le tout début de son livre s’insurge contre une vision de l’identité qui reste avant tout, sur l’ensemble de la planète, « ethnique ». Lorsqu’on lui pose la question de savoir « s’il se sent plutôt libanais ou plutôt français », il a coutume de répondre « aucun des deux » et, bien évidement, reste, de par cette réponse, incompris. Alors même qu’il explique que son identité est la somme de son expérience vécue et que cette expérience comprend une moitié de vie au Liban, une autre moitié en France, et l’apport de milliers, de millions d’autres expériences, on lui répond qu’il a raison, qu’il a bien fait de parler de la sorte, mais dans l’oreille, on lui glisse tout de même la question « mais dites-nous, franchement, au fond, vous vous sentez plutôt Libanais ou plutôt Français ? ». Voilà tout le drame de l’histoire ! Même si en théorie les hommes sont capables de comprendre que l’identité est par essence complexe, il n’en reste pas moins que dans la pratique, ils continuent de se comporter comme les garants d’une vision ethnique du monde. La preuve est que l’on nous somme de choisir, si bien que tous ceux qui portent en eux une histoire un peu plus atypique que la majorité des leurs sont rejetés, ou se trouvent déchirés et incomplets face à l’impossibilité de vivre la complexité de leur identité. Le plus navrant est que même cette « majorité » est dans son ensemble formée d’une infinité d’identités plus complexes les unes que les autres, mais elle en reste largement inconsciente. De fait, un Suédois pourra se trouver plus de point commun avec un Hongrois qui pratique la même religion que lui et appartient à la même « catégorie sociale » qu’avec son propre voisin avec qui, pourtant, il partage la même langue et la même nationalité.

Alors qu’est-ce qui fait notre identité ? La religion ? La nationalité ? La profession ? Nos activités sportives ? Nos idéaux ? Notre style vestimentaire ? Assurément ni l’un, ni l’autre, mais l’ensemble de ces composantes. Si bien que si je partage ma religion musulmane avec plusieurs milliards d’autres personnes, si je partage ma citoyenneté slovène avec deux millions d’autres personnes, si je partage mon goût pour la natation avec plusieurs millions d’autres personnes et si je partage mon amitié pour untel avec quelques dizaines d’autres personnes, je ne partage, avec PERSONNE, l’intégralité des composantes de mon identité. Chacun est unique de par son histoire, son expérience particulière et les multiples facettes de son identité.

Alors pourquoi faut-il toujours qu’une partie de cette identité en vienne à éclipser toutes les autres au point de devenir la seule et unique identité ? Pourquoi faut-il que cette dernière finisse par s’opposer aux autres et, trop souvent, se transforme en « identité meurtrière » ? C’est à cette question que tente de répondre, avec simplicité et efficacité, le livre d’Amin Maalouf.

J’aime particulièrement la conclusion que nous partageons entièrement, Yves et moi, avec l’auteur. Il ne souhaite qu’une seule chose quant à l’avenir de son livre, à savoir que son « petit-fils, devenu homme, le découvrant un jour par hasard dans la bibliothèque familiale, le feuillette, le parcoure un peu, puis le remette aussitôt à l’endroit poussiéreux d’où il l’avait retiré, en haussant les épaules, et en s’étonnant que du temps de son grand-père, on eût encore besoin de dire ces choses-là ». Il en est de même pour nos interventions dans les écoles. Tous sont surpris de notre réflexion sur l’identité, préalable nécessaire à toute réflexion sur l’identité de l’Union européenne. Combien de fois nous a-t-on répété « nous n’avions jamais eu ce genre de débat ! », « on ne nous avait jamais parlé de cette manière de l’Union européenne et du monde », « on ne parle jamais de ça en classe », « je n’avais jamais envisagé mon identité de ce point de vue » et tous ces professeurs ravis qui nous demandent toujours plus d’interventions, qui regrettent de ne pouvoir en faire bénéficier toutes leurs classes ou encore qui regrettent que ce genre de sujet ne soit pas abordé à l’école. Certes, nous sommes heureux de tant d’enthousiasme et de tous ces élèves et professeurs qui nous répètent sans cesse que ce que nous faisons est « utile » et « important ». Pourtant il ne faut pas s’y tromper, si nous réalisons ce projet, c’est avant tout pour que ce genre de débat n’ait plus lieu d’être, que la complexité de l’identité de chacun ne soit plus seulement une idée théorique, ce qui n’est déjà pas le cas pour tout le monde, mais bien une réalité vécue au quotidien, quelque chose de normal et d’évident. Notre but est donc simple : que notre travail devienne inutile, tout comme le livre de Amin Maalouf.

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CITATIONS :

 

- « Qui, dans l’Europe d’aujourd’hui, ne perçoit pas un tiraillement, qui va nécessairement augmenter, entre son appartenance à une nation plusieurs fois séculaire – la France, l’Espagne, le Danemark, l’Angleterre… - et son appartenance à l’ensemble continental qui se construit ? Et que d’Européens ressentent aussi, du Pays basque jusqu’à l’Ecosse, une appartenance puissante, profonde, à une région, à son peuple, à son histoire et à sa langue ? Qui aux Etats-Unis, peut encore envisager sa place dans la société sans références à ses attaches antérieures – africaines, hispaniques, irlandaises, juives, italiennes, polonaises ou autres ? […] si ces personnes elles-mêmes ne peuvent assumer leur appartenances multiples, si elles sont constamment mises en demeure de choisir leur camp, sommées de réintégrer les rangs de leur tribu, alors nous sommes en droit de nous inquiéter sur le fonctionnement du monde.

« Mises en demeure de choisir », « sommées », disais-je. Sommées par qui ? Pas seulement par les fanatiques et les xénophobes de tous bords, mais par vous et moi, par chacun d’entre nous. A cause, justement, de ces habitudes de pensée et d’expression si ancrées en nous tous, à cause de cette conception étroite, exclusive, bigote, simpliste, qui réduit l’identité entière à une seule appartenance, proclamée avec rage.

C’est ainsi que l’on « fabrique » des massacreurs, ai-je envie de crier ! Une affirmation un peu brusque, je l’admets, mais que je me propose d’expliciter dans les pages qui suivent. »

- « Une vie d’écriture m’a appris à me méfier des mots. »

- Tous les éléments constitutifs de notre identité sont comme « les gênes de l’âme ».

- « Il m’arrive de faire quelquefois ce que j’appellerais « mon examen d’identité », comme d’autres font leur examen de conscience. »

- « C’est justement cela qui caractérise l’identité de chacun : complexe, unique, irremplaçable, ne se confondant avec aucune autre »

- « L’identité n’est pas donnée une fois pour toutes, elle se construit et se transforme tout au long de l’existence. »

Michel

michelpierpaoli@yahoo.fr

Source photo: http://www.amazon.fr 

 

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