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16 May 2006

Osijek - Vukovar

Du 15 au 20 mars 2006

 

Une destination pas comme les autres. Ces deux villes, situées en Slavonie, toutes proches de la frontière avec la Serbie-Monténégro ont été en première ligne lors du conflit de 1991.


Nous arrivons dans la ville de Osijek le mercredi 15 mars au soir et nous avons du mal à nous dire que nous sommes en Croatie. Nous pourrions tout aussi bien être en Hongrie, Slovaquie, Pologne ou un autre pays d’Europe centrale. Impossible de voir une réelle différence.

Le lendemain, nous réalisons notre intervention dans une école de médecine. A la fin de notre exposé, une élève nous propose de réaliser la même intervention devant des bénévoles de la Croix rouge. Nous acceptons. Le public sera très réceptif. Pas étonnant, car en terme de « citoyens actifs », nous n’avons rien de fondamental à apprendre à ces jeunes gens. Nous passerons une excellente fin de soirée avec eux, bars, concert dans un caveau et hospitalité chez l’une des élèves.

Nous quittons la ville le lendemain pour Vukovar, distante seulement de quelques dizaines de kilomètres. Osijek nous avait déjà sensibilisé avec la guerre du fait de nombre de ses bâtiments encore recouverts d’impact de balles. Mais cette fois, nous rentrons dans une ville en ruine. A croire que le conflit vient juste de se terminer alors que 15 ans se sont déjà écoulés depuis la fin des hostilités.

Il faut savoir que Vukovar est un symbole. Après la déclaration d’indépendance de la Croatie, le 25 juillet 1991, la guerre éclate entre ce pays et les milices serbes appuyées par les forces de l’armée yougoslave. Une guerre qui durera jusqu’en janvier 1992. La ville de Vukovar, qui se trouve juste sur la frontière, sera assiégée pendant plus de trois mois par près de 600 chars et véhicules armés, entre 40 et 60000 soldats et régulièrement bombardée par l’aviation. Le 18 novembre, l'armée fédérale et des unités paramilitaires serbes prennent finalement la ville, totalement détruite, qui n’était défendue que par quelques milliers de soldats mal armés. C’est ce qui se dit, mais ces chiffres sont à vérifier, bien entendu ! Reste que lors de la prise de la ville, les massacres furent très importants, ainsi que dans les environs, comme à Nadin et Sabrinj où 99 civils furent éliminés.

Nous trouvons facilement la maison de l’Europe car la ville est minuscule. C’est une maison comme les autres, qui a été rénovée à l’intérieure mais reste marquée par la guerre à l’extérieure. Notre intervention se déroule sans encombre avec un public de Croates, de Serbes et même de Hongrois. Pour la première fois nous allons bénéficier d’une faveur que nous attendions depuis le début du voyage. La directrice nous donne les clés de la maison de l’Europe et met à notre disposition une pièce où nous pouvons nous installer et rester tout le week-end. Parfait ! Quel régal de pouvoir bénéficier de locaux tout en étant complètement libre et autonome.

 

Nous passerons donc le week-end dans cette ville très spéciale où la moitié des bâtiments sont encore en ruine, éventrés et totalement recouvert d’impacts de balle. Ce spectacle singulier nous fait ressentir tout particulièrement l’horreur de la guerre. On s’imagine avec une facilité déconcertante les militaires aux aguets derrière chacun des murs et la férocité des combats qui ont ravagés cette ville. Une sorte de ville fantôme mais à moitié seulement car aussi pleine de bâtiments flambant neuf, d’un hôtel quatre étoiles ultra moderne juste à côté de la carcasse de l’ancien palais des sports, et d’habitants qui pourraient être les mêmes que dans n’importe quelle autre ville. C’est une « ville musée » et je ne cache pas mon désir de voir ce genre de ville conserver certains quartiers en ruine comme témoignage de la folie de la guerre. Car il faut bien comprendre que voir des photos ne peut donner le même sentiment que de marcher dans les rues de cette ville. Y passer quelques jours vous imprègne d’une manière étrange, presque indescriptible. Tout comme visiter Auschwitz (ce que nous avons fait avec Yves en Pologne en 2004), la visite d’une ville en ruine est une expérience à vivre. Mais je sais également que pour ceux qui vivent ici, il est impossible de leur demander de conserver leur ville en l’état.  Les habitants que nous avons rencontrés se plaignent déjà de la séparation des communautés. Les Serbes vont dans les écoles serbes, les Croates dans les écoles croates. Alors la guerre, on veut l’oublier et c’est bien compréhensible. Mais je reste persuadé qu’il pourrait y avoir une possibilité de placer cette ville au « Patrimoine mondial de l’UNESCO » où de la classer d’une manière ou d’une autre et de lui donner la possibilité de se reconstruire de façon à sauvegarder de larges traces du conflit. Un pari osé, mais pourquoi pas ! Les hommes sont toujours fiers de devoir assumer des responsabilités. Ce n’est pas rien que d’assumer celle de « témoin des horreurs de la guerre » pour les Européens d’aujourd’hui et de demain. D’ailleurs, pour preuve de l’adaptation incroyable dont sont capable les êtres humains, Daniela, notre « guide » lors de la visite de la ville, nous avoue qu’elle n’avait plus conscience qu’il y avait tant de bâtiments en ruine. Pourtant on ne voit que cela ! Mais c’est peu comprendre que l’on s’adapte très vite à son milieu et, surtout, que l’on ne voit que ce qui nous intéresse. Daniela ne voit même plus les ruines de sa ville, où plutôt, elle n’y prête plus attention. La vie reprend toujours le dessus. Et il est vrai que le contraste entre les habitants, en particulier des jeunes habillés de manière « ultra-fashion », et les bâtiments qui les entourent, à moitié dévastés est plutôt surprenant. Les jeunes s’amusent comme partout ailleurs et nous fêterons la Saint Patrik dans le nouvel Irish pub de la ville, dans une ambiance que l’on retrouve dans toutes les autres villes.

 

Nous avouons que pour nous, c’est la première véritable « nouvelle » expérience du voyage. Avoir passé trois jours dans cette ville étrange nous a marqué, mais de manière très positive. Faute d’avoir vécu réellement la guerre, c’est la visite de cette ville qui nous en a donnée l’impression la plus forte, bien plus que n’importe quel film ou documentaire.  

 

Nous quittons Vukovar le lundi matin. Plus de 600 Km nous attendent jusqu’à la ville de Zadar qui se trouve sur la côte de l’Adriatique.

 

Michel

 

michelpierpaoli@yahoo.fr

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