Ok

By continuing your visit to this site, you accept the use of cookies. These ensure the smooth running of our services. Learn more.

13 June 2006

Rencontre avec de jeunes Bosniens.


Lundi 03 avril au mardi 04 avril.

Nous voici donc à Sarajevo, sur place il nous faut trouver le sempiternel établissement scolaire. Lorsque nous demandons quelques indications, nous constatons avec amusement à quel point la prononciation d'un mot est importante, la moindre différence et la communication s'avère impossible: prenez l'exemple du mot (centre), centar, nous avons beau essayer toutes les façons, aucun Bosnien ne semble comprendre ce que nous signifions... Nous ne tardons pas cependant à trouver le Druga Gimnazija. Notre publique est cette fois composé d'élèves bosniaques, (que l'on assimile à des Musulmans). Un petit rappel: la république de Bosnie-Herzégovine, (BiH), comprend deux entités autonomes, la fédérarion croato-musulmane de BiH ainsi que la Republika Srpska, (République serbe de Bosnie). medium_P1020857.JPGPourtant, ces élèves aspirent à la réconciliation, ils affirment considérer la Bosnie-Herzégovine comme un seul et même pays. Nermin laisse éclater sa colère: "de nombreux préjugés perdurent: si un Bosnien (habitant de la Bosnie toute identité confondue) affirme son appartenance à tel ou tel groupe, l'interlocuteur assimilera sa revendication à une religion ainsi qu'à une ethnie. Ce qui est bien entendu réducteur au possible!!! Je suis de confession musulmane; c'est une partie de mon identité, mais je me sens bosnien de nationalité, non pas bosniaque." Ces élèves nous rappellent qu'ils sont avant tout bosniens et ont pour religion l’Islam ce qui ne signifie pas que celle-ci se confonde avec leur nationalité. La situation est extrémement complexe: prenons l’exemple de Senka qui possède un nom à la consonnance chrétienne voire orthodoxe. Quand elle se présente, les gens pensent qu’elle est croate ou serbe, certainement pas bosniaque (bosno-musulmane), ce qui, bien entendu, occasionne nombres confusions et autres situations embarassantes.
La prise en main internationale est considérée par ces élèves avec circonspection : "c’est mieux pour notre sécurité, faire partie de l’Europe, cela signifie voyager sans visas..." La présence de l’Eufor, (la Force de l'Union européenne), qui a succédé en Bosnie-Herzégovine à la Force de stabilisation (Sfor) de l'OTAN semble appréciée: « C’est vrai qu’il y a beaucoup d’étrangers, et que dans un sens c’est une autre forme d’occupation, mais objectivement nous sommes encore très dépendants, nous avons besoin de la présence d’une armée à caractère internationale » nous affirme Nermin. Les panneaux publicitaires pour l’Eufor fleurissent d’ailleurs ici et là, avec pour slogan: "une équipe là pour vous aider…"

Ces jeunes élèves déplorent l'apathie générale des Bosniens: « on parle beaucoup, sans pour toutefois agir, peu de gens vont voter, ce n’est pas ainsi que la situation va changer... » Ces personnes sont évidemment trop jeunes, (18 ans), pour se souvenir de la guerre. Ils se rappellent vaguement des moments difficiles que leurs parents ont connus. En 1995 lors du traité de Dayton, (fin de la guerre), ils sont contents, mais ne parviennent pas à justifier la joie ressentie lors de ces accords. Certains d'entre eux, alors enfants, entonnaient des chants louant la paix sans vraiment connaître la signification de ce mot. L'environnement dans lequel ils sont nés, (faut-il le rappeler ?), est considéré comme intolérable d'un point de vue extérieur, cependant, celui-ci bien qu’inhospitalier correspondaient alors à ce à quoi ils étaient habitués, leur normalité. C'est peu à peu, dôtés du recul nécessaire à toutes introspections, qu'ils prennent conscience des conditions désastreuses dans lesquelles ils vivaient alors.

Nos amis expriment leur profonde rancoeur face aux prejugés de toutes sortes, notamment la déconsidérationmedium_PICT0006.JPG immédiate lorsque l'on est musulman. « Nous ne sommes pas tous des Ben Laden » clament-ils avec vigueur. Il faut admettre que ces jeunes ne correspondent en rien à l'image caricaturale de l'Islamiste véhiculée par les médias. Vous en jugerez vous-meme via la galerie-photo...

Leur peur quant à une éventuelle entrée au sein de l’UE est bien réelle, ils veulent conserver leur racine, pas de vie rapide, ces jeunes, très attachés à leur pays, veulent voyager intensément mais toujours revenir. Amra nous parle du mode de vie bosniaque: meraklija, (il s'agit de prendre le temps de vivre, faire chaque chose à son rythme, sans se presser). Chacun de leur prénom a une signification particulière : Senka veut dire ombre , Nermin, signifie héros, Amra: princesse… Ils évoquent avec dérision les nombreux problèmes qui affectent leur pays, nous parlant entre autre de la Stela, le piston, les contacts permettant d’obtenir les choses d’une manière insidieuse: postes, concours, examens...

Cette rencontre nous laisse un excellent souvenir, la Bosnie-Herzégovine si durement touchée par la guerre a sans nul doute besoin de cette génération au sang neuf. L’enthousiasme de ces jeunes laisse présager le meilleur pour ce pays plus que jamais à la recherche de ses marques.

Yves Mouillet

yvouche@yahoo.fr  

The comments are closed.