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03 June 2006

Livre Erasme, paix.

 PLAIDOYER POUR

 

LA PAIX (1516)

 

« Je ne vois que ténèbres dans toutes les choses humaines »

 

Nulle part ne règne le véritable allié de la paix : « le souci du bien commun »

 

Le plus fort du texte est de montrer que l’homme NE VEUT PAS la paix, précurseur du Discours sur la servitude volontaire de La Boétie, en 1574 (s’il y a des tyrans ne serait-ce pas que la base ne souhaite pas medium_Plaidoyer_pour_la_paix.2.jpgvéritablement les éliminer ?), ce petit livre dénonce sans complaisance touts les méfaits de la guerre et en particulier la futilité des raisons que l’on invoque pour la réaliser. Dans le texte c’est la paix qui s’exprime à la première personne. Néanmoins il faut prendre garde à la date à laquelle ce livre a été écrit et pour qui (il etait destiné aux princes européens) car l’auteur s’attarde à vouloir rassembler les chrétiens, au risque de leur demander de se battre en commun contre les Turcs. Mais le texte garde toute son actualité si l’on se concentre à remplacer le terme de « chrétiens » par « être humains ». D’ailleurs Erasme n’est pas en reste sur ce point et son message est celui d’un humaniste avant l’heure car c’est bien la concorde entre les hommes qu’il recherche, au-delà de celle des chrétiens.

 


 

 

TEXTE :

 

Le message du Christ semble être celui de la paix « quiconque annonce le christ annonce la paix. Quiconque annonce la guerre annonce celui qui est aux antipodes du christ. »

 

« Les mortels peuvent bien masquer cette maladie qui est la leur de n’importe quel prétexte : s’ils n’aimaient pas la guerre, ils ne se déchireraient pas entre eux en des guerres continuelles. »

 

 « Tous les écrits des chrétiens, qu’on lise l’Ancien ou le Nouveau Testaments, ne crient qu’une chose : paix et union des cœurs, et la vie entière de tous les chrétiens n’est consacrée qu’à la guerre ! »

 

« O cœurs plus durs que le diamant ! Vous avez tant de choses en commun, et des vies si inexplicablement désunies ! Les mêmes lois président à votre naissance. Tous, vous êtes devant la nécessité de vieillir et de mourir. Tous ces hommes tirent leur origine de la même source, leur religion a le même fondateur, ils ont été rachetés par le même sang, ils sont initiés aux mêmes mystères, ils se nourrissent des mêmes sacrements. Et les fruits de ces sacrements viennent de la même source, ils sont également répandus sur tous, Tous, ils ont la même Eglise. Enfin tous attendent la même récompense. Bien plus, cette fameuse Jérusalem céleste vers laquelle soupirent tous les vrais chrétiens tire son nom d’une vision de paix, dont l’Eglise, ici-bas, offre l’image. Alors comment se fait-il que cette Eglise diffère à ce point de son modèle ? Le Christ en personne a pu si peu, malgré tant de préceptes, tant de mystères, tant de symboles ? Selon le proverbe, le mal lui-même parvient à réunir les méchants, et les chrétiens, ni le bien ni le mal ne parvient à les unir ? Quoi de plus bref, de plus fragile que la vie humaine ? Que de maladies, que d’accidents la menacent ! Et pourtant, en dépit des maux intolérables qui lui sont consubstantiellement attachés, la plus grande partie de ses malheurs, ce sont les hommes eux-mêmes qui, dans leur folie, l’attirent sur eux. Un tel aveuglement obscurcit l’âme des hommes qu’ils ne voient rien venir et travaillent, tête baissée, à rompre, déchirer, briser tous liens, tous les pactes tissés par la nature et le Christ. Ils se combattent sans trêves et de tous côtés, sans mesures ni fin. Les peuples se déchirent entres eux, les cités entre elles, les partis entre eux, les princes entre eux, et, par la faute de la sottise ou de l’ambition de deux malheureux hommes qui bientôt seront morts comme toute chose éphémère, la vie des hommes est totalement bouleversée. »

 

« Passons sur les tragédies des guerres anciennes. Rappelons simplement celles qui ont été menées ces dix dernières années. De 1506 à 1617, en effet, et dans la seule Europe, d’innombrables conflits se déchaînent : Jules II attaque Bologne et Pérouse en 1506 ; la coalition de Cambrai se noue contre Venise en 1509 ; Jules II, encore, attaque l’Emilie en 1510 et promulgue la Lega Santa contre la France. Les Espagnols combattent les Médicis à Florence et conquièrent Pampelune en Navarre. En 1513, Louis XII envahit la Lombardie ; ses alliés vénitiens subissent une défaite à Vicence ; une invasion anglaise à lieu dans le nord de la France. En 1515, François Ier envahit l’Italie : victorieux à Marignan, les Français entrent dans Milan. En 1516, Maximilien Ier entre en campagne contre les Vénitiens et les Français ; Léon X conquiert le duché d’Urbino ; la Sicile et la Navarre sont en lutte contre l’Espagne… »

 

« Et que dire quand on songe que les auteurs de tels agissements vont plus loin en férocité que les bêtes féroces elles-mêmes ? Toutes les bêtes sauvages ne se battent pas. Il n’y a de lutte qu’entre espèces différentes, fait déjà évoqué, et à répéter encore et encore pour mieux imprimer cette vérité dans les esprits. La vipère ne mord pas la vipère, le lynx ne déchire pas le lynx. Et, lorsque ces bêtes se battent, c’est avec les armes propres de leur espèce. Mais les hommes, nés sans armes, de quelles armes, Dieu immortel, les munit la colère ! C’est au moyen de machines infernales que des chrétiens assaillent des chrétiens. Est-il croyable que ce soient des hommes qui aient inventé les canons ? Les bêtes, elles, ne se ruent pas au massacre réciproque en troupes aussi denses ! A-t-on jamais vu dix lions s’attaquer à dix taureaux ? Que de fois, au contraire, voit-on vingt mille hommes porter le fer contre autant d’hommes ! On aime tant à se blesser, à vider un frère de son sang ! Les bêtes, elles, ne combattent que si la faim ou le souci de leur progéniture les met en rage ; or quelle injure est assez légère aux yeux des chrétiens pour ne pas apparaître comme un bon prétexte de guerre ? »

 

« Comment, je vous le demande, dans les célébrations faites à l’armée, un soldat peut-il dire le Notre Père ? Bouche insensible, tu oses l’appeler « Père », toi qui veux transpercer la gorge de ton frère ? Que ton nom soit sanctifié : peut-on davantage souiller le nom de Dieu qu’avec de telles violences ? Que ton règne vienne : c’est là ta prière, toi qui édifies ton pouvoir tyrannique sur un flot de sang ? Que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel : Lui veut la paix, et toi tu fais la guerre ! Tu demandes au Père de tous les hommes ton pain quotidien, toi qui brûles les moissons de tes frères et qui aimes mieux mourir que de lui être utile ? De quel front diras-tu encore : et remets-nous notre dette, comme nous la remettons à nos débiteurs, toi qui te hâtes vers le fratricide ? Tu pries Dieu d’écarter de toi le danger de la tentation, toi qui te mets en danger pour mieux mettre en danger ton frère ? Tu demandes à être libéré du mal, quand l’instinct du mal te pousse à faire le plus grand mal à ton frère ? »

 

Que ceux qui trouvent ici une bonne occasion de dénoncer l’hypocrisie de la religion s’amusent à remplacer les prières d’antan par celles d’aujourd’hui. Quels maux et motifs insidieux ne se cachent pas souvent derrière de belles intentions comme « la démocratie », « les programmes de développement », « la promotion des droits de l’homme », « la non-prolifération nucléaire », « la défense du pouvoir d’achat », « le patriotisme économique », « la lutte pour la liberté des peuples à disposer d’eux-mêmes », « la lutte pour un monde plus juste et moins inégalitaire », etc. Je laisse Erasme répondre :

 

« Mais j’entends depuis quelque temps les excuses données pas des hommes dont les ressources pour se faire du mal sont infinies. Ils se plaignent d’être contraints à la guerre, d’y être entraînés malgré eux. Oublie le rôle que tu joues, élimine le fard, et regarde au fond de ton cœur ; tu trouveras que ce sont la colère, l’ambition, la sottise qui t’y ont entraîné, et non la nécessité, à moins que tu n’appelles nécessité le besoin de voir tous tes désirs satisfaits. »

 

« Si nous voulons amener les Turcs à se convertir au christianisme, soyons d’abord nous-même des chrétiens ! Jamais ils n’accepteront une religion qui se présente ainsi ; jamais ils ne croiront, s’ils voient que nulle part plus que chez les chrétiens ne s’exerce la fureur de ce que le Christ a exécré par-dessus tout »

 

De même ici, il faut remplacer « christianisme » par « démocratie », « droits de l’homme » ou encore « économie de marché ». Si tels sont les bons remèdes, les autres hommes devraient finir par nous suivrent. Si ce n’est pas le cas, c’est que ce ne sont pas les bons remèdes ou, tout simplement, qu’ils ne sont pas correctement appliqués…

 

Un livre à méditer et, malheureusement, toujours d’actualité.

 

 

Michel

 

Source photo: http://www.arlea.fr 

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28 April 2006

Livre identité, interculturel.

 

LES IDENTITES MEURTRIERES

Amin Maalouf

 

Un livre simple, clair, accessible. En moins de 200 pages, Amin Maalouf lance un cri du cœur. Il s’attelle, sans complication intellectuelle, à la lourde question de l’identité. Cette identité par essence complexe mais qui trop souvent, par simplification et replis sur soi devient agressive, revancharde, intolérante et « meurtrière ».

Amin Maalouf, a vécu jusqu’à l’âge de 27 ans au Liban, mais il vit depuis 22 ans en France. Et le tout début de son livre s’insurge contre une vision de l’identité qui reste avant tout, sur l’ensemble de la planète, « ethnique ». Lorsqu’on lui pose la question de savoir « s’il se sent plutôt libanais ou plutôt français », il a coutume de répondre « aucun des deux » et, bien évidement, reste, de par cette réponse, incompris. Alors même qu’il explique que son identité est la somme de son expérience vécue et que cette expérience comprend une moitié de vie au Liban, une autre moitié en France, et l’apport de milliers, de millions d’autres expériences, on lui répond qu’il a raison, qu’il a bien fait de parler de la sorte, mais dans l’oreille, on lui glisse tout de même la question « mais dites-nous, franchement, au fond, vous vous sentez plutôt Libanais ou plutôt Français ? ». Voilà tout le drame de l’histoire ! Même si en théorie les hommes sont capables de comprendre que l’identité est par essence complexe, il n’en reste pas moins que dans la pratique, ils continuent de se comporter comme les garants d’une vision ethnique du monde. La preuve est que l’on nous somme de choisir, si bien que tous ceux qui portent en eux une histoire un peu plus atypique que la majorité des leurs sont rejetés, ou se trouvent déchirés et incomplets face à l’impossibilité de vivre la complexité de leur identité. Le plus navrant est que même cette « majorité » est dans son ensemble formée d’une infinité d’identités plus complexes les unes que les autres, mais elle en reste largement inconsciente. De fait, un Suédois pourra se trouver plus de point commun avec un Hongrois qui pratique la même religion que lui et appartient à la même « catégorie sociale » qu’avec son propre voisin avec qui, pourtant, il partage la même langue et la même nationalité.

Alors qu’est-ce qui fait notre identité ? La religion ? La nationalité ? La profession ? Nos activités sportives ? Nos idéaux ? Notre style vestimentaire ? Assurément ni l’un, ni l’autre, mais l’ensemble de ces composantes. Si bien que si je partage ma religion musulmane avec plusieurs milliards d’autres personnes, si je partage ma citoyenneté slovène avec deux millions d’autres personnes, si je partage mon goût pour la natation avec plusieurs millions d’autres personnes et si je partage mon amitié pour untel avec quelques dizaines d’autres personnes, je ne partage, avec PERSONNE, l’intégralité des composantes de mon identité. Chacun est unique de par son histoire, son expérience particulière et les multiples facettes de son identité.

Alors pourquoi faut-il toujours qu’une partie de cette identité en vienne à éclipser toutes les autres au point de devenir la seule et unique identité ? Pourquoi faut-il que cette dernière finisse par s’opposer aux autres et, trop souvent, se transforme en « identité meurtrière » ? C’est à cette question que tente de répondre, avec simplicité et efficacité, le livre d’Amin Maalouf.

J’aime particulièrement la conclusion que nous partageons entièrement, Yves et moi, avec l’auteur. Il ne souhaite qu’une seule chose quant à l’avenir de son livre, à savoir que son « petit-fils, devenu homme, le découvrant un jour par hasard dans la bibliothèque familiale, le feuillette, le parcoure un peu, puis le remette aussitôt à l’endroit poussiéreux d’où il l’avait retiré, en haussant les épaules, et en s’étonnant que du temps de son grand-père, on eût encore besoin de dire ces choses-là ». Il en est de même pour nos interventions dans les écoles. Tous sont surpris de notre réflexion sur l’identité, préalable nécessaire à toute réflexion sur l’identité de l’Union européenne. Combien de fois nous a-t-on répété « nous n’avions jamais eu ce genre de débat ! », « on ne nous avait jamais parlé de cette manière de l’Union européenne et du monde », « on ne parle jamais de ça en classe », « je n’avais jamais envisagé mon identité de ce point de vue » et tous ces professeurs ravis qui nous demandent toujours plus d’interventions, qui regrettent de ne pouvoir en faire bénéficier toutes leurs classes ou encore qui regrettent que ce genre de sujet ne soit pas abordé à l’école. Certes, nous sommes heureux de tant d’enthousiasme et de tous ces élèves et professeurs qui nous répètent sans cesse que ce que nous faisons est « utile » et « important ». Pourtant il ne faut pas s’y tromper, si nous réalisons ce projet, c’est avant tout pour que ce genre de débat n’ait plus lieu d’être, que la complexité de l’identité de chacun ne soit plus seulement une idée théorique, ce qui n’est déjà pas le cas pour tout le monde, mais bien une réalité vécue au quotidien, quelque chose de normal et d’évident. Notre but est donc simple : que notre travail devienne inutile, tout comme le livre de Amin Maalouf.

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CITATIONS :

 

- « Qui, dans l’Europe d’aujourd’hui, ne perçoit pas un tiraillement, qui va nécessairement augmenter, entre son appartenance à une nation plusieurs fois séculaire – la France, l’Espagne, le Danemark, l’Angleterre… - et son appartenance à l’ensemble continental qui se construit ? Et que d’Européens ressentent aussi, du Pays basque jusqu’à l’Ecosse, une appartenance puissante, profonde, à une région, à son peuple, à son histoire et à sa langue ? Qui aux Etats-Unis, peut encore envisager sa place dans la société sans références à ses attaches antérieures – africaines, hispaniques, irlandaises, juives, italiennes, polonaises ou autres ? […] si ces personnes elles-mêmes ne peuvent assumer leur appartenances multiples, si elles sont constamment mises en demeure de choisir leur camp, sommées de réintégrer les rangs de leur tribu, alors nous sommes en droit de nous inquiéter sur le fonctionnement du monde.

« Mises en demeure de choisir », « sommées », disais-je. Sommées par qui ? Pas seulement par les fanatiques et les xénophobes de tous bords, mais par vous et moi, par chacun d’entre nous. A cause, justement, de ces habitudes de pensée et d’expression si ancrées en nous tous, à cause de cette conception étroite, exclusive, bigote, simpliste, qui réduit l’identité entière à une seule appartenance, proclamée avec rage.

C’est ainsi que l’on « fabrique » des massacreurs, ai-je envie de crier ! Une affirmation un peu brusque, je l’admets, mais que je me propose d’expliciter dans les pages qui suivent. »

- « Une vie d’écriture m’a appris à me méfier des mots. »

- Tous les éléments constitutifs de notre identité sont comme « les gênes de l’âme ».

- « Il m’arrive de faire quelquefois ce que j’appellerais « mon examen d’identité », comme d’autres font leur examen de conscience. »

- « C’est justement cela qui caractérise l’identité de chacun : complexe, unique, irremplaçable, ne se confondant avec aucune autre »

- « L’identité n’est pas donnée une fois pour toutes, elle se construit et se transforme tout au long de l’existence. »

Michel

michelpierpaoli@yahoo.fr

Source photo: http://www.amazon.fr 

 

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15 April 2006

Bande dessinée, guerre.

Notes pour une histoire de

guerre

 

Scenariste, dessinateur: Gipi, de son vrai nom Gian Alfonso Pacinnotti.

Bande dessinée Traduit de l’italien par Hélène Dauniol-Remaud.

La ville fut florissante, puis en ruine, enfin, et c’était incroyable, elle fut florissante de nouveau.

Dans un pays ravagé par la guerre, trois jeunes garçons de 17 ans, Christian, Stéphane dit P’tit Kalibre et Julien sont confrontés à une société de non-droit qui n'a plus d'autre règle que celle du plus fort. Ils essayent tant bien que mal de survivre dans cet environnement hostile, en vivant de petits larcins en marge du conflit… Ces trois adolescents errent tant bien que mal dans une guerre civile dont ils ne comprennent pas la trame ni les enjeux. Leur vie bascule quand, Félix, un milicien profitant de ces circonstances sinistres, leur propose de se joindre à lui et de prendre part à ses multiples trafics. Les trois jeunes, acceptant cette terrible proposition, vont peu à peu sombrer dans la délinquance, la violence, et le crime…

Une des particularités de cette histoire est sa contemporanéité, Julien, le narrateur, passait avant la guerre des après-midi entières sur Internet. Puis, comme P’tit Kalibre et Christian, ses deux compagnons, s’est laissé emporter dans un irrésistible engrenage. Des causes du conflit, des forces en présence ou des vainqueurs de cette guerre nous ne saurons rien, le contexte reste volontairement flou, la guerre présentée étant imaginaire, même si Gipi semble faire référence aux conflits yougoslaves des années 90 tendue et âpre, terne et pessimiste.

L’auteur exprime pleinement ses opinions sur les réalités sociales, économiques et psychologiques de nations et de citoyens en état de guerre, quand l’urgence et la survie sont primordiales, amenant d’inévitables dérives : état de non-droit, enfants-soldats, déprédation… Sous cette toile de fond pessimiste, il rend compte d’une belle amitié qui se dissout lentement.

Cet album (102 planches en noir et blanc), est graphiquement proche de Baru. Le dessin sobre, oscille entre le gris-blanc et l’ocre sombre, des traits simples mais engendrant une esthétique émotionnelle brutale. Le lecteur suit, au cours de ce roman d’apprentissage, la lente descente de trois jeunes dans la délinquance. De fil en aiguille, marqués par la rudesse de leur propre survie, ces gamins des rues à la recherche d’une identité vont entretenir la machine de guerre en devenant miliciens, donnant par la même occasion, un sens à leur existence. L’album met en lumière certains mécanismes fondamentaux de la culture de la haine, son influence sur la jeunesse désœuvrée, ses conséquences : individualisme effréné, déshumanisation... Notes pour une histoire de guerre campe l’histoire de trois ados paumés empruntant une voie qui n’est en effet pas la plus honnête. Ces jeunes adolescents qui n’hésitent pas à transgresser la loi sont-ils des victimes de ce conflit ou de jeunes adultes s’efforçant de se frayer un chemin dans le chaos de la guerre, assumant parfaitement les conséquences de leurs actes ?

 

Yves Mouillet

yvouche@yahoo.fr

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24 March 2006

Livre voyage.

 

TOUR DU MONDE D’UN

SCEPTIQUE


Aldous Huxley



J’ai lu ce livre juste avant de commencer le voyage. On connaît avant tout Aldous Huxley pour son célébrissime « Le Meilleur des mondes ». Mais ce livre là, qui fut écrit avant, reste inconnu du grand public. A tort ! C’est une lecture agréable et intéressante. Aldous Huxley relate dans ce livre un voyage qui se déroule avant tout en Inde, Birmanie et Malaisie mais passe aussi par Shanghai, le Japon et l’Amérique. Personnellement, moi qui ne suis pas trop « littéraire », j’avoue que certaines pages m’ont un peu ennuyées. Mais le livre est ponctué d’analyses excellentes, subtiles et déroutantes. Au final, c’est une très bonne lecture, surtout lorsque l’on pense que ce livre fut écrit en…1926 et que beaucoup de son contenu reste toujours d’actualité.

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CITATIONS :


- « En Occident nous admirons un homme qui jeûne pour battre un record mondial ou gagner un prix ; nous comprenons ses motifs et nous pouvons y être sensibles. Mais l’homme qui s’en va passer quarante jours dans le désert (et que sont quarante jours comparés aux records d’aujourd’hui ?), l’homme qui jeûne pour le bien de son âme, est, pour nous, incompréhensible. Nous le considérons avec méfiance, et non, comme l’eussent fait nos aïeux, avec respect. Loin de l’adorer, nous estimons qu’il faudrait l’enfermer. L’ascète, le mortificateur de la chair pour l’amour de l’ « esprit », le bourreau de soi-même, a cessé d’imposer le respect. Nous admirons encore le saint qui abandonne fortune et honneur pour l’amour d’une idée ; mais nous exigeons que son sacrifice ne soit pas trop excessif, tout au moins en apparence. Nous déplorons certains signes visible de la sainteté, tel que le cilice. Il ne nous plaît pas qu’un saint sacrifie, en même temps que son argent et sa situation mondaine, ses vêtements, son confort, ses liens familiaux, son lit conjugal.

Aux Indes, c’est tout différent. L’enthousiasme des hindous pour la sainteté, jusque dans ses manifestations extrêmes, est aussi vif qu’il l’était chez les chrétiens des premiers siècles. L’éloquence, l’énergie, et ce qu’on appelle le magnétisme personnel, sont pour nous des qualités suffisantes pour donner à un homme un rôle de chef. Mais pour capturer l’imagination des foules indiennes, il lui faut avoir, outre ces qualités, les caractéristiques spécifiques d’un saint. Un Disraéli peut captiver le cœur des Anglais ; il n’aurait aucune chance de réussir aux Indes. Là, le chef populaire le plus influent de notre temps, c’est Gandhi, un saint et un ascète, et pas le moins du monde un politicien. Sainteté et astuce politique sont rarement réunies. La sainteté de Gandhi lui a donné le pouvoir sur le peuple, mais il a manqué d’habileté politique pour tirer de ce pouvoir le meilleur parti. »


- « C’est pour son « matérialisme » que notre civilisation occidentale est généralement condamnée. A tort, à mon avis. Car le matérialisme – si par matérialisme on entend le souci immédiat du monde réel où nous vivons – est tout à fait digne d’admiration. Si la civilisation occidentale laisse à désirer ce n’est pas parce que nous nous intéressons au monde tel qu’il est mais parce que la majorité d’entre nous ne s’intéresse qu’à une infime partie de se monde. Notre monde est immense, incroyablement varié et plus fantastique qu’aucune imagination ne pourrait le concevoir. Et pourtant la vie de la grande majorité des hommes et des femmes est, chez les peuples occidentaux, étroite, monotone et terne. Nous ne sommes pas assez matérialiste, voilà le mal. Nous ne nous intéressons pas assez à ce monde merveilleux qui est le nôtre. Les voyages sont rapides et peux coûteux : de tous côtés s’entassent les immenses accumulations de la science moderne. Tout homme disposant d’un peu de loisir et d’assez d’argent pour prendre un billet de chemin de fer, voire tout homme capable de lire, a le pouvoir de se magnifier lui-même, de multiplier sa propre existence, de rendre sa vie pleine, significative et intéressante. Or, pour quelque raison inexplicable, beaucoup d’entre nous préfèrent employer leurs loisirs et leur surplus de force à s’appliquer à tuer le temps de façon coûteuse et inintelligente. Nos vies, par suite, sont vides et sans intérêt et nous n’en sommes, en général, que trop nettement conscients. Le remède est dans plus de matérialisme et non, comme l’affirme les faux prophètes orientaux, dans plus de « spiritualité » ; dans un plus grand intérêt pour ce monde, et non dans un plus grand intérêt pour l’Autre Monde, celui de la métaphysique et de la religion qui ne saurait être aussi intéressant que celui-ci, et pour une bonne raison : l’Autre Monde est une invention de l’esprit humain et participe des limites de son créateur. Notre monde, au contraire, le monde des matérialistes, est l’invention prodigieuse et incroyable de… eh bien, en tout cas, pas de Mrs Annie Besant. »


- « Il se trouve que je suis porté vers la démocratie, le libre arbitre et tout ce qui s’ensuit. Mais les convictions politiques sont généralement affaire de hasard plutôt que de choix délibéré. Si j’avais été élevé tant soit peu différemment, j’aurais pu, je suppose, être fasciste et apôtre du plus sanguinaire impérialisme. Quand je suis honnête avec moi-même, il me faut reconnaître que je ne m’intéresse pas pour deux sous aux principes politiques. Pourvu qu’il garantisse ma sécurité et me permette de travailler en paix, je serais tout aussi heureux sous un despotisme étranger que sous la constitution britannique. Si jadis les hommes se sont battus pour la démocratie, s’ils ont fait des révolutions pour conquérir le droit de se gouverner eux-mêmes, c’est que, le plus souvent, ils espéraient y gagner une meilleure administration que celle qu’ils auraient eue sous le despotisme ou la domination étrangère. Une fois obtenues, la démocratie et l’autonomie – prises en soi – cessent d’intéresser ceux-là même qui, peu de temps avant, combattaient passionnément pour elles. »


Et l’une des phrases de conclusion : « Voyager c’est découvrir que tout le monde a tort »


Michel

 

Source photo: http://www.amazon.fr 

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28 February 2006

Roman.

Comment je suis devenu stupide...

 

Martin Page.

 

Tu veux dire que tu as été stupide d’essayer d’être si intelligent, que c’était à côté de la plaque, et que devenir un peu stupide, c’est ça qui serait intelligent…

 

medium_Comment_je_suis_devenu_stupide.jpgAntoine, diplômé d’Araméen, de cinéma, de biologie ne tire aucune satisfaction de son existence… D’après lui, ce sont justement son intelligence doublée de sa lucidité qui lui gâchent la vie. A trop penser, Antoine vit mal. Il souhaiterait être un peu inconscient, ignorant des vérités, des causes, de la réalité ; en a plus qu’assez de cette acuité d’observation, celle-ci lui donnant une image cynique des rapports humains. Il espère désormais vivre, non pas connaître la réalité de la vie, juste vivre. Voilà pourquoi, soudainement il décide de stopper ses questionnements qui le taraudent. Il s’essaye à plusieurs méthodes : espérant une vie plus sereine, il prend la décision de couvrir son cerveau du voile de la stupidité, envisage de sombrer dans l’alcoolisme, s’intéresse au suicide. Aucune solution ne semble pourtant lui convenir pleinement. Lentement mais sûrement, Antoine se convertit en un abruti notoire, incapable de toute forme de raisonnement. L’ineptie se révélera-t-elle panacée de tous les maux ?

 

Non sans humour, à la différence de l’essayiste Emil Michel Cioran, Martin Page met le doigt sur les contradictions auxquelles nous sommes tous confrontées, pour peu que nous tentions de réfléchir… L’auteur emploie un style léger, sans emphase ni ornements inutiles… Un roman agréable, abordable qui séduira les lecteurs en proie à des affres existentiels. Un Martin Page, ceinture noire d’ontologie, n’hésitez pas…

 

Florilège de citations :

 

Le malheur en ce monde c’est que tout le monde a ses raisons. Jean Renoir.

 

Il lui semblait qu’un être humain était si vaste, et si riche qu’il n’y avait pas plus grande vanité en ce monde que d’être trop sûr de soi face aux autres, face à l’inconnu et aux incertitudes que représentait chacun.

 

L’alcoolisme a pour cause la laideur, la déroutante stérilité de l’existence telle qu’elle nous est vendue. Malcom Lowry.

 

Les Hommes simplifient le monde par le langage et la pensée, ainsi ils ont des certitudes ; et avoir des certitudes est la plus puissante volupté en ce monde, bien plus puissante que l’argent, le sexe et le pouvoir réunis.

 

La stupidité des gens ne vient pas de leur manque d’intelligence, mais de leur absence de courage.

 

Une chose que l’on peut admettre, c’est que fréquenter de grandes oeuvres, se servir de son esprit, lire les ouvrages de génies, si cela ne rend pas intelligent à coup sûr, cela rend le risque plus probable.

 

La stupidité était plus dans la manière de faire les choses ou de les considérer que dans les choses elles-mêmes.

 

Correspondance de Flaubert : extrait d’une lettre à Melle Leroyer de Chantepie, datée du 18 mai 1857, avec des exclamations propres à Martin Page :

 

Les gens légers, bornés, les esprits présomptueux et enthousiastes veulent en toute chose une conclusion. Il cherche le but de la vie, ouais, et la dimension de l’infini, eh ! Ils prennent dans leur main, mmmh, dans leur pauvre petite main, une poignée de sable, et ils disent à l’océan : « Je vais compter les grains de tes rivages », Yeah ! Mais comme les grains leur coulent entre les doigts, ouais et que le calcul est long, ils trépignent et ils pleurent, ouais, ils pleurent. Savez-vous ce qu’il faut faire sur la grève ? Il faut s’agenouiller ou se promener, ouais ! Promenez-vous. Promène-toi Tony ! Ouais, promène-toi ! Mmmmh, promène-toi ! Tony !

 

Yves Mouillet

yvouche@yahoo.fr

 

Source photo: http://www.amazon.fr 

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